On en sait un peu plus sur la fin de l’aventure spatiale de la start-up vaudoise Swiss Space Systems (S3), tombée en faillite en 2017. La société avait défrayé la chronique l’année précédente lorsque son patron avait affirmé avoir été agressé, souffrant de brûlures sur 25% de son corps, avant d’être soupçonné d’avoir mis en scène cette attaque. Cette même année, l’entreprise qui voulait lancer des navettes suborbitales traversait de graves difficultés financières. Elle avait donc décidé de procéder à une augmentation de capital de 30 millions de francs. Sauf que la garantie qui accompagnait cette opération provenait d’une banque officiellement basée à Singapour, mais qui n’existait pas en réalité. Ce léger détail avait échappé à l’experte-réviseuse chargée de vérifier ce dossier, qui avait donné son aval en 24 heures, peut-on lire dans une analyse du Centre de droit bancaire et financier de l’Université de Genève (CDBF).

A la suite de cette affaire, l’experte s’était vu retirer son agrément pour une durée de trois ans par l’Autorité fédérale de surveillance en matière de révision (ASR). Sanction contre laquelle la professionnelle a fait recours auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF), qui a confirmé le retrait de l’agrément, tout en réduisant sa durée (arrêt B-2245/2021 du 27 janvier 2023).

Manque manifeste d’esprit critique

Le TAF a quand même conclu à un manque manifeste d’esprit critique de la part de l’experte. Dans un tel dossier, un réviseur doit s’assurer que le rapport d’augmentation de capital est complet, mais aussi avoir «l’assurance raisonnable» qu’il ne comporte pas «d’anomalies significatives provenant de fraudes ou résultant d’erreurs».

Dans ce dossier, il n’est pas reproché à la réviseuse de ne pas avoir détecté la fraude, mais de ne pas avoir effectué des vérifications élémentaires. Comme de s’assurer que la banque émettrice de la garantie existait bien. L’experte avait trouvé le site internet de l’établissement fictif, mais ce site était lui aussi factice. Elle aurait dû enquêter davantage sur deux points, estime le TAF. Tout d’abord en vérifiant auprès de l’Autorité de surveillance de Singapour que la prétendue banque bénéficiait d’une licence. Ensuite en tentant d’évaluer sa solvabilité et la qualité des signataires de la garantie. Le manque de temps pour effectuer son travail – l’experte a expliqué qu’elle avait agi sous la pression du temps – ne justifie pas ces manquements, selon la cour.

Ces faits sont graves, estime le TAF, mais il s’agissait de la première entorse reprochée à l’experte en question et rien ne garantit qu’elle commettra d’autres impairs. La durée de retrait de son agrément est par conséquent ramenée à deux ans. Le TAF a vraisemblablement le sens du compromis à l’helvétique, conclut l’analyse du CDBF.

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