La grève des femmes pour esquiver les clichés
Conférence de conciliation
Vous êtes-vous déjà surprise à avoir des réflexions stéréotypées? On a beau être une féministe convaincue, les inégalités qui marquent la société remontent parfois à la surface, à notre insu. Dépassons-les ce vendredi

Sous la Coupole, on cherche la reconnaissance de tel cacique, pour se sentir légitime. A la tribune du Conseil national, on aiguise son esprit critique lorsqu’une femme s’exprime, dans un élan de compétition intempestif. En séance de commission, on espère l’approbation de tel pilier, dont le timbre de voix force le respect. A l’université il y a quelques années, on bat des cils d’admiration devant tel professeur, dont la science semble inaccessible.
Si je me regarde dans le blanc des yeux, j’avoue qu’il m’arrive d’avoir des réflexes stéréotypés. Ils surgissent sans crier gare, malgré toutes les stratégies que j’ai développées pour leur faire la peau. Ou quand la société nous rattrape, inégalitaire, avec ses rôles bien ciselés. Dans le milieu politique, dominé numériquement et hiérarchiquement par les hommes, ce sont d’abord ceux-ci qui distribuent les points. Eux les références. D’ailleurs, les premiers commentateurs, les journalistes parlementaires, sont très majoritairement des hommes. C’était pareil à l’université. Enfin presque, car ils ne faisaient pas le poids du nombre face à la foule d’étudiantes en littérature, mais c’étaient eux les professeurs. Comme souvent dans l’économie, où les places de direction sont occupées à 90% par des hommes et celles de PDG à 96%! Difficile de ne pas être colonisée par ces représentations qui font notre quotidien. Et c’est franchement rageant. Un peu comme quand le PLR, pour sa campagne sur l’égalité, affirme que les femmes ne sont pas émotionnelles, mais rationnelles, comme les hommes.
Nous organiser entre nous
Alors si je serai dans la rue vendredi, ce ne sera pas seulement contre les violences et le harcèlement, pour l’égalité salariale, des retraites dignes, un vrai partage des tâches, une baisse du temps de travail, une sexualité émancipée, mais aussi pour nous sentir fortes ensemble, unies et solidaires. Entre nous. Loin de ceux qui détiennent, de fait, le pouvoir et daignent ou non nous écouter. Pour nous organiser, comme les femmes du staff d’Obama qui s’«amplifiaient», se citant les unes les autres pour garantir la reconnaissance des idées qu’elles énonçaient. Pour déjouer les pièges tendus par les clichés. Parce que, comme le disent les Islandaises mentionnées dans le manifeste de la grève des femmes: «Ne changeons pas les femmes, changeons la société.»
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