S’il est un journaliste dont le sérieux est reconnu, c’est bien Renaud Girard, correspondant de guerre et chroniqueur chargé des questions internationales pour Le Figaro. Depuis plusieurs décennies, il a couvert tous les foyers de guerre de la planète et il maîtrise les dessous de la géopolitique comme peu d’autres. C’est indéniablement un original, mais aucunement un olibrius. Sa dernière chronique, inspirée par l’odyssée de l’Aquarius, n’en est que plus intéressante, qui s’intitule Immigration: arrêtons l’appel d’air européen!

En résumé, que dit-il? Que l’immigration est devenue une véritable industrie pour les passeurs, qui exigent de 3000 à 5000 euros pour leur ignoble travail. Que leur système est bien rodé: ils chargent à craquer une embarcation de fortune, la conduisent dans les eaux internationales et, de là, annoncent par radio un naufrage imminent. Puis ils se carapatent avant que les navires de Mare Nostrum ou des ONG prennent le relais, en récupérant leur cargaison de pauvres hères pour les conduire dans les ports européens, italiens en général. Involontairement, ces bonnes âmes font donc partie intégrante du système et l’encouragent!

Jouer sur la charité chrétienne

Un système qui joue sur fond de charité chrétienne des pays européens, dont les populations commencent pourtant à réagir. Pour preuve, la montée en puissance des partis populistes un peu partout avec, en prime, un sentiment anti-Bruxelles consécutif à la cacophonie politique qui règne au sein de l’UE sur la question migratoire. Le chroniqueur affirme que cette question, si elle n’est pas rapidement résolue, pourrait être fatale à la construction européenne. Il déplore également que, par sa politique laxiste, l’Europe prive les pays africains des ressources dont ils ont tant besoin. En effet, les 3000 à 5000 euros qui disparaissent dans les poches des passeurs sont une somme très importante qui permettrait, sur place, des investissements utiles. En outre, les migrants sont des jeunes hommes vigoureux et entreprenants, ceux-là même dont la force serait utile à leur pays.

Ce coup de gueule d’un journaliste respecté est bienvenu tant le sujet est tabou. On ne peut l’aborder sans se faire immédiatement taxer de xénophobe, d’islamophobe, de mauvais chrétien, d’extrémiste et, ultimement, de facho… Toutes ces exagérations ne servent qu’à nier la réalité et à déconsidérer les adversaires d’une immigration incontrôlée. Car, autant l’accueil sans conditions des réfugiés venant de pays en guerre est admis, autant l’arrivée massive de personnes à la recherche d’un meilleur bien-être économique semble contre-productive, économiquement et surtout culturellement, à une majorité de la population qui souhaite ardemment que des mesures concrètes soient prises.

Or, les lois existent, mais elles ne sont pas appliquées. L’espace Schengen est bien conçu sur le papier mais pas dans les faits, de même que le règlement Dublin. Quant à Frontex, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, qui «place les droits humains au cœur de son action», elle est empêtrée dans cette contradiction qu’il faut protéger les frontières mais toutefois accueillir les humains qui s’y présentent, illégalement quoique pacifiquement. L’article de Renaud Girard exige que l’on cesse d’encourager les passeurs par ce laxisme criminel.

Il est grand temps d’agir

Il est donc grand temps d’agir. Pourtant, les propositions de Merkel-Macron pour le prochain Conseil européen ne vont pas dans le bon sens et continuent de tourner autour du pot. Les «hotspots» sur place, idée du président français, les pays africains n’en veulent pas car, alors, ce seraient eux qui auraient les migrants sur les bras puisque les pays d’origine ne veulent pas les reprendre. Ainsi, tout le monde essaie de se refiler la patate chaude. Sauf qu’il s’agit d’êtres humains et qu’il est insoutenable de jouer ainsi, et depuis trop longtemps, avec un sujet si important.

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