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L’automne, les réfugiés et le courage politique

L’hiver est à nos portes, et il n’est pas tout seul: il arrive en même temps que les centaines de milliers de réfugiés de guerre. Et en Suisse, que fait-on pendant ce temps? On enclenche les radiateurs et on vote UDC

Des affiches lors de la campagne électorale. — © (KEYSTONE/Dominic Steinmann)
Des affiches lors de la campagne électorale. — © (KEYSTONE/Dominic Steinmann)

Vous avez remarqué cette vague de froid humide? Vous n’avez pas pu la manquer: si elle ne vous a pas pris au dépourvu, le jour où vous êtes sorti avec votre pauvre veste de mi-saison, elle vous a forcément rattrapé à la machine à café, c’est le sujet de conversation du moment. Avec la crise migratoire. Dommage que personne n’ait encore pensé à faire le lien entre les deux. Ça aurait peut-être évité que l’UDC sorte à ce point victorieuse des élections fédérales.Je m’explique. L’autre jour, je lisais le énième article sur les réfugiés bloqués aux frontières de l’Europe – cette fois entre la Croatie et la Slovénie, nouvelle route de contournement de la Hongrie. L’article était illustré par la photo de trois enfants accroupis dans la boue, abrités de la pluie par un sac de couchage.J’ai repensé à cette fois, la semaine dernière, où j’ai dû marcher dix minutes, sans parapluie ni chaussures adaptées, sous la pluie glaciale d’un automne hostile. La même pluie glaciale que sur la photo. Je me suis imaginé passer la nuit dehors, dans mes vêtements trempés, à l’abri d’un sac de couchage imbibé d’eau froide. J’ai imaginé faire dormir mes enfants dans ces conditions, une nuit, deux nuits, une semaine, puis les regarder tomber malades, leurs joues et leurs yeux se creuser progressivement, chacune de leurs quintes de toux morbides déchirer mon cœur et grossir ma colère.L’hiver est à nos portes, et il n’est pas tout seul: il arrive en même temps que les centaines de milliers de réfugiés de guerre. Et en Suisse, que fait-on pendant ce temps? On enclenche les radiateurs et on vote UDC.Au lendemain des élections fédérales, on a découvert la lune: les électeurs, quelle surprise, sont sensibles aux sujets qui font la une des médias. Un récent sondage, commandé par le groupe de presse Tamedia, montre que l’asile et les réfugiés, l’immigration et l’Union européenne sont les principales préoccupations des Suisses, toutes inclinations politiques confondues.Alors comment se fait-il qu’aucune autre voix que celle qui appelle à fermer les frontières, les yeux, les oreilles et les porte-monnaie, ne se soit encore élevée sur ce thème? Comment se fait-il qu’aucun candidat n’ait eu le courage d’appeler à une solution politique humaine pour ces gens, familles et enfants, qui fuient le pire au péril de leur vie et vont passer l’hiver à nos frontières? Parce que le sujet est complexe? Parce qu’il est risqué (cf. Mme Merkel)?L’afflux de réfugiés que connaît l’Europe n’est pas un phénomène médiatique passager voué à disparaître demain de nos écrans. Ce n’est pas seulement un casse-tête administrativo-européen qui se réglera à coup de quotas. C’est l’histoire en train de s’écrire, et qui jugera chacun à son courage et à ses actes. Or, en Suisse, ceux qui voudraient s’engager, accueillir et intégrer ces personnes ne sont représentés par aucun parti. Les politiciens de tous bords feraient bien de s’en rendre compte. Et de prendre leurs responsabilités.