L'inconstance du jardinier
Ma semaine suisse
La communication du Conseil fédéral, après le référendum britannique, est aussi embroussaillée que des roses anglaises

Le Brexit s’est arrêté à la barrière du jardin. La menthe anglaise est ressortie revigorée de la tempête de grêle de mai et les rosiers Abraham Darby, au port toujours aussi ébouriffé, ont traversé sans une tache l’épidémie de marsonia entretenue par ce mois de juin humide.
On ne peut pas en dire autant du Conseil fédéral. Sa communication, après le référendum britannique, est tout aussi embroussaillée que nos roses anglaises. Le président de la Confédération se dit pessimiste sur les chances d’aboutir dans un temps raisonnable à un accord avec Bruxelles sur la mise en oeuvre de l’article «Contre l’immigration de masse», le chef de la diplomatie veut encore y croire et tient toujours au cadre institutionnel réglant les relations UE-Suisse, la ministre de la Justice veut, elle, une traduction conforme de la norme constitutionnelle dans la loi. Et pendant ce temps-là, la commission des institutions politiques du Conseil national planchait sur un projet législatif, la clause de sauvegarde unilatérale. Que l’on sait déjà mort-née.
Partis et parlementaires retournent toujours dans tous les sens les mêmes solutions: application stricte, clause de sauvegarde unilatérale, préférence nationale ou plafonds par région, voire par branche, en cas de situation de crise. Mais toutes, selon les juristes, nous vaudront les foudres de Bruxelles.
L’absence de réponse de la Commission, occupée ailleurs, laisse le gouvernement helvétique sans perspective et sans stratégie. Rarement l’absence de leadership n’a été aussi frappante. Comme si on avait laissé aux événements extérieurs le soin de dicter la conduite à tenir ici. Supposé être à la manœuvre, le Conseil fédéral laisse au Parlement le soin de trouver une voie. «Il semble être surpris par l’issue du vote; le sentiment d’impréparation domine», confirme un conseiller national romand. C’était aussi le sentiment de la presse alémanique après la séance consacrée mercredi à un échange de vues entre les ministres sur les conséquences du Brexit.
Or le temps presse. Le Conseil fédéral souhaite éviter d’avoir à légiférer par ordonnance. Ce qui ne laisse comme date pour un probable référendum que le mois de mai 2017. Il faut donc que le Conseil national entame en septembre déjà la deuxième lecture de la loi. Et que celle-ci soit adoptée définitivement lors de la session de décembre.
La seule piste sérieuse sur laquelle les parlementaires peuvent avancer reste le projet de l’ancien secrétaire d’Etat Michael Ambühl imaginé pour le Tessin et repris par le conseiller national Marco Romano. Une disposition permettant à une région ou à une branche économique de prendre des mesures ciblées en cas de situation grave. Une interprétation très large de l’article 14 de l’accord sur la libre circulation. Lequel précise qu’en cas de problèmes économiques et sociaux graves, un comité mixte peut autoriser certaines mesures restrictives.
Cette proposition reste contraire à l’esprit de l’accord et au principe de libre circulation, selon Simonetta Sommaruga. Elle nécessiterait, pour le moins, que Bruxelles et les 27 acceptent de fermer les yeux sur cette entorse au principe fondamental.
A ne rien proposer, à laisser le terrain à toutes sortes d’initiatives et herbes adventices, voilà le gouvernement un peu comme l’amateur que met en garde l’Encyclopédie des jardins de Coutanceau, sans laquelle il n’y a pas de culture: «Il pousse plus de choses dans le jardin que n’en peut maîtriser le jardinier».
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