Les auteurs grecs de l’Antiquité? Ils s’invitent cet été parmi les livres, comme un appel à repartir vers les siècles lointains, vers les hommes, les femmes et les dieux d’il y a des millénaires et qui, parmi les tout premiers, ont éprouvé le besoin d’écrire, de graver pour ceux qui venaient les histoires qu’ils se racontaient. Un appel à remonter à l’aube de notre temps, quand la poésie était encore neuve, quand les formes s’inventaient, quand les histoires bruissaient de premières fois.

Lire aussi : Lucien de Samosate et les salades grecques

Avec les récits, la poésie, la pensée et les romans des Grecs anciens, se réveille le souvenir de ces pattes de mouche qui peu à peu deviennent des lettres, puis des mots. Et c’est magique de parvenir, maladroitement, à écrire et lire grâce à d’autres formes que celles dont on a toujours usé! Nous revoilà devant ces déclinaisons déroutantes, découvrant un improbable temps du verbe… Ô aoriste, suspend ton vol! Nous revoici, encore, en train lire grâce à ce code enfin déchiffré les racines de nos mots: émerveillement devant ces présences familières à l’intérieur d’une langue à la fois morte et étrangère.

Je me souviens d’un professeur de grec un peu farceur, qui nous demandait: «Comment dit-on «la gare» en grec?» Et nous, élèves appliqués, cherchions longuement la réponse. Sans la trouver bien sûr, puisque, nous lançait-il en riant, le train n’avait pas encore été inventé… On était débutants, et pour ma part, je le suis restée. Et c’est en français que j’ai continué à remonter le temps, jusque vers Homère, Sappho, Thucydide, Héraclite, Euripide et l’incroyable Lucien de Samosate, qui, cette semaine dans ces pages, invente sous nos yeux les voyages fantastiques!

On remonte vers les Grecs, et eux aussi, à notre insu parfois, reviennent sans cesse vers nous. Leurs histoires courent encore dans les rues, sur nos écrans; leurs mythes nous nourrissent et nous analysent.

«La Grèce antique illustre l’étonnante complexité de la notion de civilisation et l’extrême difficulté qu’eurent les hommes primitifs à s’arracher à la cécité de l’animalité pour ouvrir sur le monde un regard d’homme», dit André Bonnard au début de La Civilisation grecque. Force est de constater, même aujourd’hui, qu’on n’en finit pas de s’arracher à cette cécité animale, et qu’il est bon de se souvenir comment d’autres, avant nous, sont parvenus à ouvrir sur le monde un regard neuf, un regard humain.

Le Temps publie des chroniques et des tribunes – ces dernières sont proposées à des personnalités ou sollicitées par elles. Qu’elles soient écrites par des membres de sa rédaction s’exprimant en leur nom propre ou par des personnes extérieures, ces opinions reflètent le point de vue de leurs autrices et auteurs. Elles ne représentent nullement la position du titre.