Le 1er juin 2018, c’est dans 776 jours. François Longchamp le sait, pour avoir à coup sûr mesuré la distance qu’il lui reste à parcourir avant de rendre les clefs du canton. Ce canton pas comme les autres, qu’il préside seul depuis décembre 2013. 776 jours, même en déduisant une grosse centaine de dimanches, c’est long. Surtout quand tout ne se passe pas comme prévu.

Sur le papier, le poste pouvait faire saliver. Un Département présidentiel tout neuf, sans administration mammouth, et trois gros dossiers bien stratégiques à piloter: la Genève internationale, le Grand Genève et la répartition des tâches entre commune et canton. Cette organisation, François Longchamp l’a voulue. Il aurait pu reprendre l’Economie ou les Finances, en plus de la Présidence. Mais non. François 1er, Roi de Genève, capitale de l’univers, ça ne se refusait pas, pour un dernier mandat.

Si le plan s’était déroulé sans accroc, François Longchamp rayonnerait. Baignée de sa lumière, une équipe gouvernementale soudée aurait mis en musique sa partition millimétrée, enchaînant les réformes le sourire aux lèvres. A mi-législature, François Longchamp commencerait à récolter les fruits d’un règne idyllique, comme on cueille des pâquerettes.

Seulement voilà. Faute d’avoir su écrire la partition millimétrée – un storytelling holistique pour Genève –, le président s’est vu rattraper par d’autres réalités. De celles qui volent en escadrille. En guise d’équipe soudée, une juxtaposition de silos qui s’ignorent; en guise de pâquerettes, des patates chaudes à tout bout de champ. Et une envie qui s’émousse. A l’effacement personnel derrière la fonction, sa marque de fabrique, se substitue un détachement fatigué. «Il en a marre et ça commence à se voir», résume-t-on gentiment du côté de la Tour Baudet.

On pourrait en rire, voire compatir, si le scandale ne grondait pas aujourd’hui dans son jardin. La Fipoi dysfonctionne? C’est son dossier. Le conseil de fondation l’ignore, conteste ou dissimule? C’est son dossier. La Genève internationale risque d’y perdre des plumes? C’est son dossier. Mais rien n’y fait. Pas vu, pas pris, François Longchamp. Tout est rentré dans l’ordre, soupire-t-il, un brin agacé: la Genève éternelle est au-dessus de ces vulgarités marécageuses et les organisations internationales le savent, elles.

On l’aura compris: désormais, François Longchamp est moins là que las. Il a pourtant raison sur un point: le 1er juin 2018 est encore loin. Un petit café, Monsieur le Président?

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