Lutte contre l’inflation législative: quand la simplification justifie le simplisme
Conférence de conciliation
OPINION. Trente-cinq mille pages de lois de plus en trente ans: le chiffre peut paraître spectaculaire. Et pourtant, dans un monde toujours plus complexe, est-ce si étonnant?

L’actualité est morne, habituellement, entre Noël et Nouvel An. Lister les changements législatifs prévus pour le 1er janvier fait alors partie des marronniers médiatiques, ces sujets qui reviennent chaque année à la même période. Et il y a forcément de tout: TVA sur les achats via internet, baisse de la redevance radio-TV, remise de certains médicaments sans ordonnance, augmentation des rentes AVS.
Mais cette année, un marronnier en rencontre un autre, politique celui-ci, qui consiste à déplorer l’augmentation du nombre de lois, pour la combattre. Le Conseil fédéral vient en effet de rendre un rapport en réponse à un postulat PLR. On y disserte sur des propositions connues: supprimer une loi existante pour chaque nouveau texte, fixer une durée de vie aux réglementations, analyser plus précisément l’impact des actes adoptés. Le gouvernement conclut que tout ne va pas si mal, et qu’il s’engage fermement – tenez-vous bien – à «réexaminer ponctuellement le bien-fondé» des normes.
Deux fois plus de tracas, vraiment?
Voilà qui ne rassurera pas les postulants. Le document leur offre en apparence des arguments de taille: entre 1984 et 2015, le recueil du droit en vigueur dans notre pays a passé de 34 720 à 69 354 pages. Deux fois plus de lois, deux fois plus de tracas, nous dira-t-on, confondant au passage simplisme et simplification.
Pourtant les détracteurs de l’inflation législative sont aussi ceux qui nous serinent que le monde devient de plus en plus complexe de par la globalisation, la numérisation, l’accélération des échanges… D’ailleurs, souvent à raison. Faut-il alors s’étonner que la législation suive le mouvement? Avec une croissance de 130% en trente ans, c’est d’ailleurs le droit international qui s’est le plus enrichi (+74% pour le droit interne). Le repli sur soi serait la meilleure façon de réduire le corpus juridique…
Cette bataille masque les vrais enjeux. Oui, il faut mieux évaluer nos lois. Non, les obligations légales ne sont pas toujours simples, et, mal expliquées, elles compliquent parfois la vie des entrepreneurs, des citoyens ou des assurés. Améliorons-nous sur ces points. Mais une loi ne se résume pas à son nombre de pages. Rappelons donc aux chevaliers de la simplification législative que la réalité est parfois… plus complexe.
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