Dans la vie, je suis pour les plaisirs coupables. Comme celui d’engloutir un plat de pâtes avec trop de fromage devant une ânerie sur M6. J’ai déjà avoué dans cette chronique ma passion pour Le Meilleur Pâtissier, orgie de ganache et de glaçages miroirs, et ne boude jamais mon plaisir de découvrir les nouvelles émissions futiles qui débarquent sur la chaîne. Sauf la dernière en date, diffusée au début du mois. Qui a bien failli me faire cracher mes rigatonis.

Objectif: 10 ans de moins a le mérite de ne pas y aller par quatre chemins. Le concept consiste à soumettre des candidats souffrant d’un coup de vieux à un «protocole de rajeunissement», le tout sous la houlette de Cristina Cordula, papesse brésilienne du relooking. Mais attention: en plus des habituels anticernes et balayages, le package anti-âge comprend aussi un coach sportif, une diététicienne, un passage chez le dentiste et même des injections d’acide hyaluronique.

«La médecine a fait tellement de progrès, pourquoi ne pas l’utiliser?» glapit l’animatrice en fronçant les sourcils, histoire de montrer qu’elle aussi, elle fait colmater ses rides. Ce à quoi le Dr Saldmann, alibi scientifique de l’émission parce qu’il porte une blouse blanche, répond que c’est «très bien fait, bravo!».

En soi, je n’ai rien contre le botox, chacun bidouille son front comme il l’entend. Et soyons réalistes, vieillir est une préoccupation pour de nombreux Français. Mais Objectif: 10 ans de moins me fait frémir justement parce que l’émission leur hurle qu’ils ont du souci à se faire.

Ravalement genré

Parce que l’émission célèbre en prime time un jeunisme maladif, pseudo-scientifique et genré qui plus est: les candidats sont toutes des candidates, des mères de famille exténuées à qui l’on suggère qu’elles ont besoin d’un ravalement de façade médical pour mieux vivre et, accessoirement, réjouir leurs maris – «Je ne peux pas continuer comme ça, il va finir par se lasser», soupire Samantha dans sa chambre d’hôtel de Trouville-sur-Mer. Et tant pis pour celles qui n’auraient pas les sous pour leurs injections semestrielles.

Et parce que le processus, qui soumet ces femmes à un panel «objectif» chargé d’estimer leur âge avant transformation, est profondément humiliant – il faut voir comment le chiffre, évidemment trop élevé, est révélé au ralenti par une Cristina Cordula accablée…

Lors de la révélation finale, on découvre des candidates évidemment plus élégantes, plus féminines mais, surtout, qui pleurent de bonheur. Il nous faudrait donc des talons, des facettes dentaires et des injections pour être «en phase avec son âge»? Merci du conseil, M6, je me réjouis de ne pas m’en souvenir.


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