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Opposer les formations, c’est nier les atouts du système suisse

CHRONIQUE. Le discours qui met en concurrence «apprentissage» et «académisation» cache une idéologie pernicieuse, qui voudrait séparer la capacité à penser du savoir-faire, regrette la rectrice de la Haute Ecole spécialisée de Suisse occidentale

L’apprentissage est une première étape dans la vie professionnelle. De nombreuses possibilités existent pour permettre ensuite un développement des trajectoires personnelles et l’expression des talents.  — © Alamy Stock Photo
L’apprentissage est une première étape dans la vie professionnelle. De nombreuses possibilités existent pour permettre ensuite un développement des trajectoires personnelles et l’expression des talents. — © Alamy Stock Photo

C’est un refrain connu, qui revient comme une ritournelle: la Suisse connaît une forte pénurie de compétences techniques, de personnel de terrain capable de maîtriser les métiers concrets, et, plutôt que de multiplier les pistes universitaires, elle devrait renforcer la filière de l’apprentissage. Autrement dit, «il y a trop d’étudiants et pas assez d’apprentis», pour paraphraser un ancien conseiller fédéral par ailleurs patron d’entreprise.

(Re)valoriser l’apprentissage est une évidence. C’est du reste justement ce que s’efforce de faire le système dual suisse, dont la pertinence est reconnue mondialement. Aujourd’hui, ce modèle n’est cependant plus fondé sur le mode «CFC et c’est tout». L’apprentissage est une première étape dans la vie professionnelle. De nombreuses possibilités existent pour permettre ensuite un développement des trajectoires personnelles et l’expression des talents. Ouvrir des horizons, c’est justement l’un des rôles de l’apprentissage aujourd’hui et cela ne le rend que plus attractif. La philosophie qui sous-tend cette logique contemporaine est limpide: il ne peut y avoir de formation professionnelle s’il n’y a pas de perspectives professionnelles et personnelles.

Complémentarité et continuité

Il n’y a donc pas lieu d’opposer les types de formation: c’est au contraire leur complémentarité et leur continuité tout au long du parcours formatif qui donne toute sa pertinence au système helvétique. Le discours qui oppose «apprentissage» à «académisation» cache une idéologie pernicieuse, qui voudrait séparer hermétiquement la capacité à penser du savoir-faire. Là encore, cette vision réductrice peut se révéler dangereuse. La réflexion, tout comme la recherche orientée vers la pratique, se nourrit de l’action, le savoir-penser est la source du savoir-faire, et inversement. Seule la cohérence qui doit guider l’ensemble du système suisse de formation, à tous les niveaux, permet la bonne compréhension des enjeux, l’identification des agents du changement dans les disciplines scientifiques, technologiques, sociales, pratiques…

L’avenir de la Suisse repose d’abord sur sa capacité à mettre ses outils de formation en adéquation avec les besoins de la société. Plus l’organisation qui régit ses outils est fluide, plus cette capacité sera grande.

Filières affinées

Pour les hautes écoles spécialisées, historiquement liées aux milieux professionnels, l’enjeu est clair: elles doivent entretenir cette proximité pour faire, en quelque sorte, partie de la famille. En 1995, le message du Conseil fédéral qui posait les bases de la loi sur les HES ne disait pas autre chose. Il cherchait déjà à trouver le moyen de réconcilier la formation professionnelle et l’enseignement supérieur. En bientôt trente ans, un chemin considérable a été parcouru, les filières se sont affinées, elles se sont ouvertes, elles se sont adaptées aux évolutions de la société. En proposant un spectre très large de formations certifiantes, du bachelor à la formation continue, les hautes écoles spécialisées poursuivent cette mission et contribuent justement à l’objectif ultime: former des jeunes en phase avec les besoins de la société et du monde professionnel.

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