Les hommes (et les femmes) qui soupirent face à la «metooisation» de la société devraient économiser leur souffle et réfléchir un instant. Ces derniers jours, trois infos ont démontré que l’égalité des sexes est un concept encore très abstrait.

D’abord, l’info qui frappe au cœur et au corps. Vendredi dernier, à Cagnes-sur-Mer, a eu lieu le centième féminicide français de l’année. Un passage à tabac particulièrement horrible au cours duquel une jeune femme de 21 ans est morte sous les coups de son compagnon de 26 ans, qui, disent les témoins de cet assaut à ciel ouvert, «sautait sur elle comme sur un trampoline».

Une abomination

Je le rappelle souvent dans cette chronique: la Suisse n’est pas épargnée par cette abomination puisque, dans notre pays, une femme succombe victime de la main d’un homme toutes les deux semaines. De quel droit un être humain s’approprie-t-il ainsi le destin d’un autre être humain, si ce n’est en vertu d’un patriarcat encore très dominant? «C’est ma femme, ma chose, ma vie, mon âme», disent les hommes violents. «Elle est à moi, elle m’appartient.» Dieu sait si j’aime l’amour fort et le désir puissant, mais un tel abus de pouvoir me glace le sang. Personne n’appartient à personne, point.

Botox et taille mannequin

Les deux autres infos sont plus légères, mais tout aussi symptomatiques d’un déséquilibre. A Montreux, plusieurs clientes sont défigurées après avoir reçu des injections d’acide hyaluronique de mauvaise qualité et mal administrées, rapporte 20 minutes. Les photos sont éloquentes. L’une d’elles a le front criblé de bulbes, une autre la lèvre enflée, comme tuméfiée.

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Mais pourquoi diable retoucher votre visage, ladies? Sans doute parce que dans l’imaginaire collectif, un homme ridé est mûr et donne confiance, tandis qu’une femme ridée est moche et perd toutes ses chances.

La dernière info, dans le même registre «belles, belles, belles comme le jour»? Elle concerne le récent faux pas de Zara. La marque de prêt-à-porter a présenté comme mannequin rond une beauté brune de taille 40-42… Or, le 40-42 se trouve être la taille moyenne des Françaises. Oups. Là, oui, on peut soupirer. Car, même si les hommes sont invités à soigner leurs abdos et leurs pectoraux, la pression n’est pas équitablement partagée.

Depuis des millénaires, la femme est assignée à un modèle, variable selon les époques, et aucune d’entre nous n’échappe totalement à ce formatage canonisé. Ou alors les rares reines qui ont du cran. On dit que les hommes tremblent désormais devant les femmes «metooisées»? La réalité quotidienne prouve qu’on est loin, très loin, d’une gynocratie standardisée.


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