De Philippe Besson, je ne savais pas grand-chose, si ce n’est qu’il était, au niveau des ventes du moins, une valeur sûre de la scène littéraire française. Je ne l’avais pas lu, mais connaissais la belle adaptation qu’avait faite Patrice Chéreau de son roman Son Frère (2001). C’était en 2012, et voilà que le salon Le Livre sur les quais, à Morges, me proposait d’animer une table ronde dont il était l’invité phare, m’obligeant ainsi à me plonger dans son douzième livre, Une bonne raison de se tuer.

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Musicalité constante

Des phrases courtes, des mots simples, mais une constante musicalité: au-delà de l’histoire elle-même, je découvrais un style d’une redoutable efficacité, exempt des périphrases redondantes et autres circonvolutions futiles si souvent convoquées par des écrivains voulant faire sérieux. Pour ne rien gâcher, je rencontrais dans la foulée un homme d’une sympathie sincère et d’une grande finesse d’esprit, se prêtant avec courtoisie et intelligence, aux côtés de deux écrivaines dont j’ai oublié les noms – qu’elles me pardonnent –, au jeu des questions-réponses. Et ce, malgré un public composé de moins de dix personnes. Car non loin de là, me semble-t-il, notre Darius national recevait Marc Levy.

La comète James Dean

Dès lors, j’ai lu tous les ouvrages publiés par cet habitué de la rentrée de janvier, qui aime les récits courts et tendus, qu’il construit avec un sens du montage et du raccord très cinématographique. Je me suis également plongé dans plusieurs de ses ouvrages antérieurs, qui pour la plupart explorent les relations humaines et leur potentiel dévastateur. Il y a deux ans, j’étais déçu par Vivre vite, roman polyphonique évoquant la comète James Dean, un personnage historique dont il s’emparait pour en recracher un portrait exsangue. Mais cette année, j’ai été bouleversé par Arrête avec tes mensonges, lu récemment à la faveur d’un long trajet en train.

Passion sexuelle

Ce dix-septième roman est de ceux dans lesquels on plonge pour ne plus en ressortir. Les mots nous happent, le récit nous engloutit. Philippe Besson était juriste, il a un jour découvert, comme Peter Parker et Bruce Wayne, qu’il avait un super-pouvoir. En l’occurrence, celui de raconter des histoires qui, c’est là la magie de la littérature, transforment ceux qui les lisent. Philippe Besson est un conteur et, par relation de cause à effet, un menteur, ce que sa mère lui reprochait depuis l’enfance. Alors voilà que pour une fois, il a décidé d’arrêter avec ses mensonges et de parler de lui. De lui et de son premier amour, un jeune fils de paysans avec lequel il a connu sa première passion sexuelle.

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Trois grands chapitres

En trois grands chapitres, situés en 1984, 2007 et 2016, il se souvient de Thomas. Il parle des corps adolescents qui se cherchent, des peaux qui se touchent. Il dit les premiers émois, mais aussi, surtout, le sexe. Il ne cherche pas la métaphore, il use de mots crus quand il le faut. Si on aime Philippe Besson, cet écrivain capable de se frotter à la littérature américaine mais aussi de mettre en scène Proust et Rimbaud, impossible de ne pas être profondément touché par la façon dont il se dévoile.

C’est beau, un menteur patenté qui décide de dire la vérité.


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