Coquins d’Américains. Alors comme ça, ils nous espionnent. Heureusement, José Manuel Barroso a ordonné que soient passés au peigne fin les bâtiments officiels de l’Union européenne. Incessamment, on devrait être en mesure de décoller de sous les tables les micros scotchés là par l’Oncle Sam. Il s’agira ensuite de demander fermement à ce dernier de ne plus recommencer ces vilenies, quitte à menacer de se fâcher tout rouge. Il comprendra vite où est son intérêt, l’Oncle Sam.

Au fait, j’espère que José Manuel Barroso et ses confrères ont pensé, aussi, à vérifier que les volières de leurs pigeons voyageurs soient bien sécurisées, on ne sait jamais avec ces satanés Yankees.

Quelque chose me fait dire que personne, au sein des administrations européennes, n’est abonné au magazine Wired. Dommage, parce que c’est une lecture relativement instructive s’agissant des nouvelles technologies, et notamment en matière de défense. Dans le numéro de juillet, par exemple, il y a un grand article qui explique bien le périmètre d’action d’un certain Keith Alexander, général quadruplement étoilé à la tête de la cyberarmée des Etats-Unis.

L’empire de Keith Alexander, dit «Alexander the Geek», est constitué de trois unités, nous apprend l’article: la NSA, le CSS et l’US Cyber Com. Autrement dit, tout ce que la Défense américaine compte de personnel dédié à la surveillance électronique, au support numérique des troupes armées, et au piratage à des fins offensives/défensives. Offensives, genre Stuxnet, le virus informatique qui a détruit les infrastructures iraniennes d’enrichissement d’uranium il y a plusieurs années déjà.

Dans le budget 2014 du Pentagone, les cyberopérations de Keith Alexander ont vu leurs allocations augmenter de 4,7 milliards de dollars.

Par ailleurs, en mai, a débuté la construction d’une nouvelle base pour ces unités spéciales, à Fort Maede, dans le Maryland. Un complexe de près de 900 000 m2 comprenant une sous-station de 150 mégawatts, 14 bâtiments administratifs, et un immeuble de 8300 m2 pour les seuls serveurs. Mais ce n’est que la «phase I» du projet. Les phases II et III devraient voir quadrupler la surface au sol de cette base au cours des seize prochaines années, et permettre, à terme, d’abriter 11 000 cyber-soldats, pour un coût total d’environ 5,2 milliards de dollars. (Quand François Hollande a demandé que tout cela «cesse immédiatement», il n’est pas impossible que sa voix ait été un peu couverte par le bruit du chantier.)

Alors comme ça, on dirait que c’est beaucoup de moyens. Mais en fait, la cyberarmée américaine fait appel, en plus, aux services de sous-contractants, explique encore Wired. Il existe des entreprises, comme Endgame par exemple, spécialisées dans la recherche et la cartographie de «vulnérabilités» dans les systèmes informatiques. Concrètement, cela consiste à chercher des «trous» dans des programmes fréquemment utilisés, comme Windows ou Explorer. Qui peuvent alors être exploités comme points d’entrée pour des virus destructeurs ou simplement espions.

Pendant ce temps, José Manuel Barroso et ses amis cherchent des micros sous les tables. Les tables sur lesquelles sont posés leurs ordinateurs. Je trouve ça tellement, mais tellement, mignon.

L’année prochaine, Alexander the Geek aura 4,7 milliards de dollars supplémentaires à son budget

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