Aujourd’hui encore, quand le féminisme n’est pas occupé à lutter contre la pauvreté des mères célibataires, les violences sexuelles et les féminicides, il continue de dire aux filles: vous pouvez tout faire comme les hommes.
Angle mort du féminisme
Mais ce discours, malheureusement, relève encore de la pensée magique. Lorsqu’un homme et une femme ont ensemble des enfants, et chacun un travail épanouissant, du moins à plein temps, c’est elle, encore et toujours, qui pense au pique-nique des petits, organise le babysitting, prend l’après-midi quand ils sont malades, s’inquiète de leurs devoirs, veille à leurs activités extrascolaires; elle dont le temps de travail est morcelé et le cerveau accaparé par ces mille fragments de vie familiale qui l’empêcheront, très concrètement, de «mener sa carrière comme un homme». C’est-à-dire avec la garantie que quelqu’un(e) d’autre s’occupera de «tout le reste».
A l’échelle des inégalités de genre qui persistent dans le monde, la complainte de ces femmes, souvent bourgeoises et éduquées, qui gagnent bien leur vie, qui ont tout voulu, tout obtenu (mais trouvent quand même qu’elles le paient cher) résonnent comme des problèmes de riches. Il n’en reste pas moins que cet angle mort du féminisme génère de la culpabilité: celle de toujours se sentir insuffisante, à la fois comme mère, comme compagne et comme professionnelle. Alors, par souci d’honnêteté à l’égard des jeunes générations, peut-être faudrait-il davantage user du conditionnel: oui, les femmes pourraient tout faire comme les hommes si, et seulement si, les hommes se mettaient vraiment à tout faire comme les femmes.