Référendum contre la loi sur les jeux d’argent: un faux pari
Conférence de conciliation
De tout temps, les jeux de hasard impliquant de l’argent ont fait l’objet d’une régulation stricte de la part des pouvoirs publics, en raison du risque qu’ils représentent pour les individus. Et pourtant…

Attention, la censure menace. Cet avertissement grave vous est offert par trois comités réunis sous la bannière de la lutte contre «la censure sur Internet». L’objet de toutes leurs craintes? La nouvelle loi fédérale sur les jeux d’argent, contre laquelle ils lancent un référendum. Et qui risque, selon leurs dires, de transformer la Suisse en Etat autoritaire.
La loi en question prévoit en effet que les jeux d’argent sur Internet soient soumis à autorisation, à l’instar des loteries et des jeux de casino proposés dans des lieux publics. Et parmi les mesures de lutte contre les offres non autorisées figure notamment le blocage des sites internet concernés. En clair, un site opérant depuis l’étranger – bien souvent depuis des territoires offshore – sera rendu inaccessible à un ordinateur suisse. Du moins sans quelques compétences techniques pour contourner le blocage.
Pourquoi tant d’efforts?
Pourquoi déployer tant d’efforts? Car conformément à l’article constitutionnel adopté en 2012, l’obtention d’une autorisation d’exploiter des jeux d’argent en Suisse doit garantir le respect de quelques règles élémentaires. Tout d’abord, il s’agit d’éviter les pures escroqueries. Mais aussi d’obliger les prestataires à poser quelques garde-fous à la dépendance au jeu, une dépendance qui touche des individus mais affecte bien souvent des familles entières, en les privant des ressources nécessaires pour vivre.
Enfin – et c’est essentiel – la loi garantit la bonne affectation des bénéfices. Le produit des jeux de casino fait l’objet d’une taxe spéciale qui alimente l’AVS, tandis que celui des loteries (en billets, électroniques ou en ligne) est redistribué en faveur de la culture, de l’action sociale et du sport. Ayant la chance d’appartenir à l’un des organes chargés de leur attribution dans le canton de Vaud, je constate régulièrement tout ce que cette manne rend possible.
Faux combat, faux débat
Hormis un contrôle de l’âge pour accéder aux machines Tactilo, les demandes des professionnels médicaux et de la prévention n’ont, par contre, pas été entendues. On peut se demander si nous ne nous mordrons pas les doigts, demain, d’avoir minimisé aujourd’hui les méfaits potentiels du jeu. Les jeux d’argent méritent donc une discussion publique. Mais en s’opposant par principe à tout blocage de sites qui pratiquent l’évasion fiscale et peuvent favoriser le blanchiment, sans indiquer aucunement comment faire respecter nos lois à l’ère numérique, les référendaires se trompent de combat. Pire: de débat.
Chronique précédente
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