Au moins essaient-ils quelque chose. Mais ce «quelque chose» pourrait bien causer des dégâts insoupçonnés… On parle ici d’une nouvelle tentative, louable, de protéger les enfants contre les effets négatifs des réseaux sociaux. Jeudi 23 mars, l’Etat de l’Utah s’est doté d’une législation choc: s’ils veulent utiliser des réseaux sociaux, les mineurs devront obtenir l’accord de leurs parents.

C’est, à ce jour, la loi la plus stricte en la matière en Occident. Avec un slogan fort pour soutenir cette mesure: «Nous refusons désormais de laisser les plateformes de réseaux sociaux continuer de nuire à la santé mentale de nos jeunes», a écrit le gouverneur de l’Utah, Spencer Cox, sur… un réseau social, Twitter en l’occurrence. La loi va très loin, puisque toutes les personnes de moins de 18 ans ne pourront pas accéder à un réseau social sans le feu vert explicite – on ne sait pas encore sous quelle forme – d’un parent ou d’un tuteur.

Et ce n’est pas tout: selon la loi, qui doit entrer en vigueur dans un an, en mars 2024, les réseaux sociaux devront permettre aux parents d’accéder aux messages et aux réponses de leurs enfants. De plus, les réseaux sociaux devront empêcher les mineurs d’accéder à leurs comptes entre 22h30 et 6h30. Seul un parent ou un tuteur pourra modifier ce paramètre.

Louable sur le principe, cette loi pose d’innombrables questions: comment être certain qu’un parent donnera bien son feu vert et que l’enfant ne parviendra pas à court-circuiter cette mesure? Comment faire appliquer cette loi très concrètement sur le territoire d’un Etat américain? Il y a sans doute des réponses techniques à ces questions – et ce n’est pas parce qu’il y a des obstacles techniques qu’il ne faut rien essayer…

Il y a aussi des questions sociétales profondes: ne risque-t-on pas de priver les ados de liberté sur les réseaux sociaux, certains y trouvant du réconfort sans la surveillance de leurs parents? N’est-ce pas incroyablement intrusif de laisser ces derniers accéder à tous les messages de leur progéniture?

Les questions sont vertigineuses. Alors que le combat contre TikTok s’intensifie aux Etats-Unis, de telles lois pourraient se multiplier. N’oublions pas que c’est, à la base, le modèle d’affaire des réseaux sociaux.

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