Retour sur les licenciements en période de pandémie
Droit du travail
CHRONIQUE. Les premiers arrêts du Tribunal fédéral concernant les employés licenciés en lien avec le Covid-19 sont désormais connus. Notre chroniqueur revient sur ces affaires

Le monde du travail a été fortement affecté par la propagation du coronavirus (fermeture des établissements publics, incapacités de travail, etc.). On se souvient des mesures urgentes adoptées par le Conseil fédéral, dont certaines ont concerné directement les relations de travail (protection des personnes vulnérables notamment).
De nombreuses questions juridiques se sont posées qu’il a fallu résoudre en conjuguant les règles ordinaires (disposition du Code des obligations ou des statuts de fonction publique, par exemple) avec les règles spécifiques extraordinaires arrêtées par le Conseil fédéral. Le respect des plans de protection en matière de mesures d’hygiène et de distanciation sociale a donné lieu à de multiples interprétations et conflits.
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Des personnes employées ont été licenciées par des employeurs privés ou des administrations publiques. Nous disposons désormais des premiers arrêts du Tribunal fédéral en la matière (qui concernent le licenciement de fonctionnaires).
Refus de se faire vacciner
Dans une première affaire, quatre militaires professionnels du commandement des forces spéciales de l’armée suisse ont été licenciés de manière ordinaire au motif qu’ils avaient refusé de se faire vacciner contre le Covid-19. Au moment où les licenciements ont été prononcés, de nombreux pays exigeaient pour entrer sur leur territoire la vaccination contre le Covid-19.
Le Tribunal fédéral en a conclu qu’en refusant délibérément de se soumettre à une mesure ordonnée par leur employeur qui était nécessaire pour assurer leur disponibilité opérationnelle en vue des missions pour lesquelles ils avaient été engagés, les militaires avaient indéniablement violé des obligations légales et contractuelles importantes. Les licenciements ont donc été confirmés (arrêt 8C_327/2022 du 22 février 2023).
Dans une seconde affaire, un employé (régisseur) d’une université a été licencié avec effet immédiat car il s’était rendu au travail alors qu’il avait des symptômes du Covid-19 et que son subordonné, qui partageait son bureau, présentait un état grippal. Il était ensuite revenu au bureau après avoir subi un test antigénique positif. Selon le Tribunal fédéral, dès lors que de par sa fonction l’employé était chargé de faire respecter le plan de protection, avec le devoir d’exemplarité qui en découlait, son licenciement immédiat n’était pas contraire au droit, quand bien même il était employé par l’université depuis 24 ans (arrêt 8C_521/2022 du 26 avril 2023).
Altercation sur fond de restrictions sanitaires
Enfin, la dernière affaire n’a qu’un lien indirect mais important avec le Covid-19. Un employé engagé par la ville de Genève en qualité d’agent de sécurité et huissier remplaçant dans un musée a été licencié avec effet immédiat en raison d’une altercation avec un visiteur. L’employé s’était d’abord énervé avec celui-ci face à son instance à vouloir un café alors que le restaurant du musée était fermé en raison des restrictions sanitaires. Plus tard, à l’extérieur, une discussion houleuse s’en était suivie au cours de laquelle l’employé avait traité le visiteur de «connard fini».
Selon le Tribunal fédéral, le comportement de l’employé n’était pas suffisamment grave pour justifier une rupture du lien de confiance et son licenciement immédiat pour justes motifs. Il fallait notamment tenir compte du fait que, selon le rapport d’un hôpital, le vaccin contre le Covid-19 reçu par l’employé la veille de l’altercation avait pu, au vu des effets indésirables répertoriés de ce vaccin, avoir joué un rôle prépondérant dans l’insomnie et l’épisode d’agitation qui s’en sont ensuivis (arrêt 8C_147/2022 du 23 novembre 2022).
Il n’est guère possible de tirer des conclusions générales précises de ces jurisprudences qui dépendent fortement des règles (de fonction publique) applicables et des circonstances des cas d’espèces. Le Tribunal fédéral paraît toutefois admettre que les employeurs aient pu faire preuve d’une certaine sévérité à l’encontre de personnes employées qui n’avaient pas respecté les plans de protection contre le covid.
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