Elle trônait, dans le magasin, entre le chien interactif et l’aspirateur fée du logis: la valise Hello Kitty est mon candidat favori au titre de pire jouet de l’année. En toute simplicité, à cause de son prix: 449 francs pour un bagage à coque de taille moyenne, que dites-vous de ça? Moi, je dis, c’est trop dingue, faut oser. Et si le fabricant a osé, c’est que le degré d’addiction des petites filles à la marque rose est au plus haut.

Bon, de toute façon, la valise ne peut pas concourir, parce que ce n’est pas un jouet. Mais il y a d’autres excellents candidats au titre de jouet le plus nase du moment, diligemment recensés par divers blogueurs et associations.

J’ai un faible pour le kit de pole dance spécial fillette avec jarretière sexy et DVD de démo inclus. Vas-y ma fille, cambre bien ton cucul, c’est bon pour ton avenir, non, attends, lâche ton biberon avant d’attraper la barre. Malheureusement, j’apprends que le kit a été retiré de la vente, sous la pression des associations de parents, ces trouble-fête.

Pas de problème, il reste amplement de quoi faire. Tenez: voici un faux pistolet japonais pour jouer à la roulette russe. L’emballage arbore l’image suggestive d’un gamin aux yeux exorbités en train de se faire éclater la cervelle. Pour rire (là, vous devez rire).

D’origine asiatique également, il y a le faux chat écrasé avec tripes à l’air, bien roses et bien imitées. Ou encore, le bébé poilu à raser, ne m’en demandez pas plus. C’est ce qui est bien avec la mondialisation: elle nous offre, sans crier gare, des bouffées d’étrangeté qui frisent la poésie.

Mais revenons en Occident et aux valeurs sûres. Pipi caca? Voici un couple de peluches, l’une marron étron, l’autre jaune pisse. Le top pour encourager bout d’chou à grandir. Et voilà encore le chien Toutou Rista, dont on apprend à ramasser les crottes. Mais pardon, Toutou Rista est hors jeu, ayant gagné le Grand Prix du jouet de l’année en 2011. Ça doit être à cause de son nom, si frais et facétieux.

C’est en contrepoint à la distinction internationale susmentionnée, décernée par les fabricants, que l’association états-unienne pour une enfance libre de publicité (Campaign for a commercial-free childhood, CCFC) appelle chaque année les internautes au vote pour élire le gagnant TOADY («Toys oppressive and destructive to young children»), à savoir le jouet le plus oppressant et destructeur pour les jeunes enfants.

J’ai voté pour un nominé controversé, le salon de beauté Butterfly de la collection «Friends» de chez Lego. Il invite les fillettes, à qui cette gamme est tout spécialement destinée, à se faire belles pour aller prendre le thé avec les copines et parler de la meilleure façon de se faire belles.

J’ai fait mon choix en souvenir de mon frère, avec qui je jouais au Lego quand nous étions enfants. On construisait ensemble des maisons, qui n’étaient ni des maisons de fille ni des maisons de garçon. Aujourd’hui, les enfants font jouets séparés, on se croirait en Arabie saoudite.

Certains considèrent que pointer du doigt le salon de beauté Butterfly relève du puritanisme gendriste. Pas d’accord. C’est juste qu’on n’en peut plus, que trop de rose pue; «pink stinks», comme disent les Anglaises (LT 12.01.12). Je suis fan de la différence des sexes, mais aussi du bilinguisme émotionnel. Dans des mondes séparés, ne peuvent grandir que des monolingues du non-dit.

Avec ça, on n’a pas parlé de la nouvelle Barbie double face. Son drame: la pop star rêve d’être princesse et la princesse rêve d’être pop star. Parviendra-t-elle un jour à s’accepter pour ce qu’elle est?

J’ai un faible pour le kit de pole dance spécial fillette avec jarretière sexy et DVD de démo inclus

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