La Russie ne fait plus peur
Mon Europe
La semaine dernière, l’échec du Sommet européen pour le Partenariat oriental, en tout cas en ce qui concerne l’Ukraine, n’était pas une surprise
Une semaine plus tôt, son président Viktor Ianoukovich avait déjà annoncé qu’il suspendait la signature de l’accord d’association avec l’Europe. Il fallait être naïf pour espérer qu’il allait y changer d’avis. Et pourtant. Ceux présents à la conférence de presse de clôture du sommet ont vu un José Manuel Barroso déchainé. Un fait rare. La diplomatie est l’art même de mettre les formes dans les situations les plus irritables. Or il a fallu juste allumer la mèche pour que le chef de l’exécutif européen s’enflamme. Même ses proches l’ont rarement vu si explosif. Avec force, il a demandé à Moscou de cesser de mettre la pression sur les pays avec qui l’UE souhaite tisser des liens, ne fussent-ils pas ses anciens alliés.
José Manuel Barroso n’est pas homme à ne pas mesurer la portée de ses actes. Vendredi à Vilnius, il était, à l’évidence, prêt à aller à la confrontation. Depuis, l’UE a pris ouvertement fait et cause pour l’opposition pro-européenne ukrainienne. Catherine Ashton, la cheffe de la diplomatie européenne, censé participer à l’assemblée annuelle de l’OSCE à Kiev ces jeudi et vendredi, a trouvé une bonne raison de ne pas y aller. Hier, le ministre allemand des Affaires étrangères Guido Westerwelle s’est affiché avec les dirigeants de l’opposition à Kiev. Le secrétaire général de l’OTAN Anders Fogh Rasmussen ou encore le secrétaire d’Etat américain John Kerry y sont aussi allés de leur couplet pour dénoncer les pressions russes.
La Russie fait de moins en moins peur. Pendant des années, elle a utilisé l’arme gazière pour se faire entendre. Désormais, même si elle reste une source d’approvisionnement incontournable pour les Européens, la dépendance se réduit inexorablement. Chaque pays a constitué des réserves d’un mois au minimum. En 2012, la Norvège a détrôné la Russie comme le premier fournisseur. Par ailleurs, l’industrie gazière russe est elle-même dépendante de la technologie occidentale pour son développement. Face à la concurrence du gaz américain et qatari, l’attrait pour l’industrie gazière russe diminue chez les investisseurs occidentaux. Le géant allemand EON qui était le plus important actionnaire étranger de Gazprom, a vendu sa participation.
La puissance militaire russe n’impressionne pas non plus. Elle possède certes encore une capacité de nuisance, mais elle n’est pas dans une logique de confrontation directe. En réalité, tout indique que la rhétorique du pouvoir russe, sa présence sur la scène internationale (Syrie, Iran) ainsi que son premier rôle dans les forums internationaux (présidence de G20 en 2013 et du G8 en 2014, Jeux olympiques d’hiver 2014 à Sotchi, Coupe du monde de football en 2018) participent surtout à gagner la confiance de la population russe. Une confiance qui ne cesse de s’effriter.
Le Temps publie des chroniques et des tribunes – ces dernières sont proposées à des personnalités ou sollicitées par elles. Qu’elles soient écrites par des membres de sa rédaction s’exprimant en leur nom propre ou par des personnes extérieures, ces opinions reflètent le point de vue de leurs autrices et auteurs. Elles ne représentent nullement la position du titre.