Une fois n’est pas coutume – encore que – j’emprunte la réflexion de la semaine à un autre. En l’occurrence, Eric Vanoncini, initiateur de l’Autre salon, contrepoint engagé à la grand-messe automobile annuelle de Palexpo. Vous ne le connaissez pas? Moi non plus, jusqu’à le voir débouler mercredi soir, avec son sens de la formule, sur notre plateau de télévision. (Je me permets de vous le raconter parce qu’à ce moment-là, vous étiez je le crains devant la 100e de Top Chef ou éventuellement devant Barça-Chelsea).

Promesse de perlimpinpin

Il était question de voiture, de voiture propre, connectée, autonome, intelligente et pourquoi pas volante, quand surgit cette image de son sourire rusé: «La voiture verte, c’est la crème anticellulite de l’industrie automobile.» Et de décrypter l’étonnante foi collective en cette promesse de perlimpinpin: «On y croit, on veut y croire, on ose rêver qu’il n’y a rien à changer dans nos habitudes, et qu’elle va nous sauver.»

En débouchant ce tube métaphorique mercredi soir, Eric Vanoncini ne se doutait peut-être pas qu’il aspergeait bien plus loin que le capot de la voiture verte. En 2018, la crème anticellulite a tendance à s’infiltrer un peu partout.

Une noisette de bonne conscience

Dans le champ de la morale publique, par exemple, et toujours au Salon de l’auto: plutôt que d’arrêter pour de bon de flanquer les voitures de jolies hôtesses pour attirer le chaland, l’époque a préféré la crème anticellulite. De sympathiques slogans militants, invitant à s’intéresser aux voitures plutôt qu’auxdites jolies hôtesses, dûment hashtagués #hostessnotobject et aussitôt retweetés avec gravité par les mâles les plus Alfa Romeo du quartier. Une petite noisette de bonne conscience, on ne change rien, les jolies hôtesses sont toujours là, mais le tour est joué, l’époque est rassurée.

Il y en a pour tous les goûts

En politique aussi, la crème anticellulite s’étale sans modération. Même si elle avait déjà son équivalent capillaire: le rasage gratis. Déboussolée par un monde qui ne ressemble pas tout à fait à ce dont elle avait rêvé, l’époque – c’est-à-dire nous – se tartine de crème anticellulite. Beppe Grillo, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Nigel Farage… Il y en a pour tous les goûts, dans toutes les langues et dans toutes les fragrances. Pour un changement immédiat et radical, garanti sans le moindre effort. C’est magique, ça marche tout seul. Ou pas.

La crème anticellulite est une tragédie moderne.


Chronique précédente:

Le fumet désuet de la disruption

Le Temps publie des chroniques et des tribunes – ces dernières sont proposées à des personnalités ou sollicitées par elles. Qu’elles soient écrites par des membres de sa rédaction s’exprimant en leur nom propre ou par des personnes extérieures, ces opinions reflètent le point de vue de leurs autrices et auteurs. Elles ne représentent nullement la position du titre.