Le siècle de Sabine Weiss
(in)culture
Les Rencontres d’Arles consacrent une belle rétrospective à la photographe suisse, qui fêtera le 23 juillet son 97e anniversaire

«Mais qu’est-ce que vous voulez que je vous dise?» Il en est ainsi des grands artistes. Parfois, face à l’immensité de l’œuvre, ils sont empruntés. En début de semaine, Sabine Weiss, bientôt 97 ans, vernissait la rétrospective Une vie de photographe que lui consacrent cet été les Rencontres d’Arles. Face à ce parcours condensé, et qui propose des images réalisées entre 1945 et 2007, elle n’a d’abord pas vraiment su quoi dire. «Vous savez, j’ai fait des choses tellement variées», s’excuse-t-elle presque.
On dit volontiers de Sabine Weiss qu’elle est la dernière représentante de la grande photographie humaniste. Mais pour la commissaire Virginie Chardin, cette étiquette est réductrice. Il s’agissait pour elle de montrer que la Suissesse est bien plus que cela, réalisant aussi bien des portraits de laissés-pour-compte que de stars, photographiant aussi bien dans la rue qu’en studio pour des travaux de commande. S’il y a dans l’exposition des photos connues, il y a aussi des tirages inédits, que même Sabine Weiss n’avait jamais vus.
L’âme derrière les regards
C’est d’abord la naissance d’un style qu’évoque la rétrospective, rappelant au passage que si Sabine Weiss travaille depuis la fin des années 1950 dans le même atelier parisien, c’est bien sur les rives du Léman, à Saint-Gingolph, qu’elle est née le 23 juillet 1924.
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Dès ses premiers travaux, «elle dirige son attention vers le corps, les gestes, les émotions et les sentiments de l’autre, surtout quand il est dans le sacrifice». C’est particulièrement frappant dans une série réalisée en 1951 sur proposition de l’agence Magnum, qu’elle n’intégrera finalement pas, dans une colonie accueillant des femmes atteintes de troubles mentaux ou de démence sénile.
Les responsables de l’institution ayant, à l’époque, interdit la diffusion des images, elles sont aujourd’hui montrées pour la première fois. Et elles sont stupéfiantes. C’est comme si Sabine Weiss avait réussi à capter, derrière des regards absents, vides, l’âme de ces femmes. «Je me souviens qu’elles étaient si heureuses que quelqu’un vienne leur parler.»
Rencontre: Sabine Weiss, le goût des autres
En décembre dernier, la fringante nonagénaire avait reçu Le Temps dans son atelier. Elle se réjouissait de voir ses archives dorénavant protégées et valorisées par le Musée de l’Elysée, et bottait en touche au moment d’aborder son statut de femme photographe. «Ah! cette question éternelle… Les agences et magazines ont toujours été très contents de travailler avec une femme. Et les seuls qui semblaient contrariés étaient les hommes photographes.» A Arles, à celles et ceux qui sont venus visiter Une vie de photographe en sa compagnie, elle a simplement dit ceci: «Ne regardez pas les photos, essayez de les sentir…»
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