En Suisse, en 2018, c’est toujours la mère qui poutze
Charivari
OPINION. Trois quarts des tâches ménagères sont toujours assurées par les femmes dans les familles helvétiques. Quelle fatigue, cette fatalité, soupire notre chroniqueuse. Que les hommes se lèvent et lavent!

Les trois quarts. En Suisse, en mai 2018, pile cinquante ans après Mai 68 et son cortège d’émancipations, 75% des tâches ménagères sont toujours assurées par les mères. Ce chiffre, issu de l’Enquête sur les familles et les générations 2013, une étude réalisée par l’Office fédéral de la statistique et analysée par le Pôle de recherche national LIVES, donne des frissons. On parle des nouveaux pères et on les voit, ces papas attentifs, souriants, à l’aise avec leurs fillettes et leurs fistons. Depuis vingt ans, ils célèbrent une ère nouvelle où, du travail à la maison, chacun, chacune est censé(e) naviguer sans distinction de genres entre divers statuts, diverses fonctions. Cette fluidité est rafraîchissante. Et très 4.0. Il suffit de scroller sur les réseaux sociaux pour découvrir des univers colorés débordant de joyeux défrichages, d’épanouissements personnels et d’équité.
Retrouveznos articles sur la question de l'égalité hommes-femmes.
Puis, subitement, une statistique tombe et le monde en technicolor vire au vert-de-gris. Dans trois foyers sur quatre, en Suisse, la mère ne s’éclate pas en stage de yoga, à l’atelier chant ou dans une roller party. Elle travaille à l’extérieur et, ensuite, elle travaille à la maison. Pour trois quarts d’entre nous, ladies, la double journée n’est pas une rengaine du passé, c’est toujours une réalité. Sans compter la charge mentale, cette to-do list qui repose essentiellement sur nos mêmes épaules de bonne fée. Un constat pas facile à encaisser…
La faute au cynisme politique
Pour être correcte et en phase avec les propos de la chercheuse de l’Université de Genève, Clémentine Rossier, qui relayait samedi dernier dans Le Temps les résultats de cette enquête, précisons que seules 28% des mères en Suisse travaillent à plus de 50%. Et 23% d’entre elles ne travaillent pas du tout… Ce n’est pas forcément un choix, on s’en doute, mais un calcul lié au coût des prises en charge extra-familiales et à la fiscalité pénalisant deux temps pleins cumulés. Autrement dit, le cynisme politique, assez diabolique, maintient les mères à la maison et contribue à faire peser sur elles le poids de la poutze et de l’éducation.
Cela posé, libre aux pères qui travaillent à 100% de rentrer au foyer, fringants, et de prendre la direction des opérations. Au fond, avec cette grève du canapé, ils ne feraient alors que ce que font les mères depuis la nuit des temps… Certains, j’en connais, se prêtent déjà à cette équation. Et ne semblent pas accablés. Faire et faire encore peut donner des ailes. «Il est libre, Max, dit la chanson, y en a même qui disent qu’ils l’ont vu voler…»
Chronique précédente
Le Temps publie des chroniques et des tribunes – ces dernières sont proposées à des personnalités ou sollicitées par elles. Qu’elles soient écrites par des membres de sa rédaction s’exprimant en leur nom propre ou par des personnes extérieures, ces opinions reflètent le point de vue de leurs autrices et auteurs. Elles ne représentent nullement la position du titre.