Digitale attitude
Des voix commencent à s’élever contre les techniques des professionnels qui tendent à manipuler les utilisateurs de téléphones portables ou d’ordinateurs, appelant à une consommation plus éthique

Celui qui achète régulièrement les derniers modèles de téléphones et ordinateurs est certes un consommateur zélé, mais pas seulement. Nous savons aujourd’hui que les appareils numériques ont une obsolescence programmée qui réduit leur durée de vie et stimule ainsi le taux de remplacement, donc augmente les ventes. De même que nous attribuons notre addiction aux médias numériques à un manque de volonté et une faiblesse de caractère, nous découvrons que ces produits ont sciemment été conçus pour produire cet effet.
Chez Netflix, Snapchat et Facebook, des ingénieurs spécialisés, les Growth Hackers, ont pour seule mission de concevoir de nouveaux moyens pour nous inciter à passer plus de temps sur leurs plateformes. Des technologies dites «persuasives», qui s’appuient pour la plupart sur la théorie du psychologue B. J. Fogg, enseignée à Stanford.
Des logiciels «autodéclencheurs»
Dans son livre Hooked: How to build habit forming products, Nir Eyal décrit comment les développeurs produisent des logiciels intégrant des «autodéclencheurs», qui permettent par exemple de récompenser un utilisateur Facebook avec un «like» instantané dès qu’il publie une photographie. Cette «gratification» l’incite alors à revenir régulièrement sur le site.
Dans la Silicon Valley, une voix s’élève pour remettre en question ces pratiques. Celle de Tristan Harris, ingénieur informatique et anciennement «philosophe produit» chez Google. Il a fondé Time Well Spent, un groupe qui défend les droits des consommateurs et tente d’influencer les sociétés de technologie à développer des logiciels «éthiques». Pour que nous soyons moins engagés avec nos écrans et puissions mieux gérer notre temps.
Vers une nouvelle déontologie?
Dans le journal The Atlantic, Harris donne des exemples. A sa boîte de réception de courriels, l’utilisateur pourrait fixer le temps qu’il souhaite consacrer et recevoir un rappel lorsqu’il dépasse cette limite. Ou alors suspendre l’arrivée de tout nouveau message jusqu’à ce qu’une tâche qui demande de la concentration soit achevée, tout en permettant une interruption en cas d’urgence. Tristan Harris espère créer un label Time Well Spent qui permettrait d’identifier les logiciels respectant cette déontologie.
Serions-nous à l’aube d’une nouvelle ère de technologie responsable? Espérons-le.
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