Publicité

Tests génétiques: sans protection des données, ils pourraient devenir vos pires ennemis

OPINION. Pour que la médecine prédictive et personnalisée progresse, il faut que les tests ADN soient accessibles et sécurisés. Or, quoi de plus anxiogène que de savoir que votre assureur sera légalement en droit de connaître votre profil génétique, comme le prévoit un projet de loi?

Votre génome contre vous? — © Pixabay.com
Votre génome contre vous? — © Pixabay.com

Connaissez-vous 23andMe? Cette entreprise californienne a démocratisé le séquençage du génome, qu’elle propose pour 200 dollars à partir d’un échantillon de salive. Sur cette base, la société vous livre des informations sur vos origines, mais aussi des probabilités de risque pour certaines maladies. Moins commerciale, l’analyse du génome s’installe aussi sur l’Arc lémanique, où vient de s’ouvrir le plus important centre de séquençage à haut débit d’Europe. Avec des perspectives fascinantes en médecine prédictive et personnalisée.

Alors, tout savoir de votre génome, est-ce tentant? effrayant? A titre individuel, un peu des deux probablement. Et pourtant, collectivement, nous avons un intérêt commun: c’est en croisant les informations génétiques du plus grand nombre que les scientifiques pourront faire le mieux progresser les traitements. Pour que les tests deviennent fréquents, ils doivent être rapides, abordables, mais surtout sécurisés, et donc il faut garantir que les résultats n’appartiennent qu’à la personne concernée. Or, dans moins d’une semaine, le parlement traitera d’une révision de la loi fédérale sur l’analyse génétique qui pourrait bien vous dégoûter pour toujours d’en savoir plus sur votre ADN.

Risque de discrimination

La commission, contre l’avis du Conseil fédéral, veut en effet rendre obligatoire, pour conclure une assurance vie ou une assurance invalidité facultative, la transmission de tout profil génétique réalisé préalablement, dans quelque contexte que ce soit, à l’assureur. Que se passera-t-il si cette disposition l’emporte? De nombreuses personnes renonceront à tout séquençage, de peur qu’il révèle des informations qui conduiront l’assurance à leur proposer des conditions plus défavorables ou à émettre des réserves. En bref, à les discriminer. Difficile de faire pire pour l’image des tests génétiques. Avec des conséquences catastrophiques pour la recherche, qui manquera de volontaires et verra donc la taille de ses échantillons limitée…

L’enjeu est colossal pour la Suisse. Avez-vous entendu la place scientifique sonner l’alarme? Moi non plus, et pourtant je tends l’oreille! Mesdames et messieurs les chercheurs: j’ai déjà un peu peur de connaître mon génome. Si demain, vous ne voulez pas que je sois terrifiée à l’idée qu’il sera utilisé contre moi, il vaudrait mieux vous mobiliser aujourd’hui.

Chronique précédente

Coûts de la santé: la peur est mauvaise conseillère