Trump et Blocher, même combat?
Les pieds dans le plat
Cela vous rappelle quelque chose? Si chacun dit «Mon pays d’abord», alors que les intérêts des pays sont divergents, cela peut très mal finir

Je n’ai jamais été très à l’aise avec le terme de «populisme», que chacun utilise pour parler des forces nationalistes d’extrême droite. Je ne le trouve pas très respectueux du peuple, accusé d’être coupable de tous les maux, alors que les élites autoproclamées ne porteraient aucune responsabilité dans la dérive actuelle.
Il est faux de prétendre que les nationalistes définissent leur discours politique dans le seul but de capter le ressentiment d’une partie de l’électorat. L’impressionnante montée en puissance de l’extrême droite en Suisse, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et en France fait apparaître des convergences programmatiques et une indiscutable cohérence. Bien sûr, comme tous les partis, les nationalistes adaptent leurs discours au contexte. Les Etats-Unis, par la taille de leur marché intérieur et l’abondance de leur matière première, peuvent tenter le pari protectionnisme. La Suisse, non! Mais au-delà du respect des conditions locales, on retrouve toujours le même noyau dur. A cet égard la lente mais puissante ascension de l’extrême droite est finalement révélatrice.
Au début était Schwarzenbach
Le point de départ, c’est l’initiative contre l’emprise étrangère de James Schwarzenbach. Lancée en mai 1968 (mais oui!), elle demande de plafonner la population étrangère à 10% de la population résidante totale avec une exception pour Genève (25%). L’économie est alors en pleine surchauffe, le taux de chômage à peu près nul, et les salaires en constante augmentation. Pourtant, l’initiative, combattue par le patronat, les syndicats et tous les partis recueillent les suffrages de 46% des votants. Leur motivation est d’abord identitaire (la Suisse centrale a accepté l’initiative) mais elle constitue aussi une réaction contre les conséquences habituelles d’une forte croissance: la pénurie de logements, l’augmentation des loyers et les embouteillages.
Par la suite, l’Action nationale lance encore trois initiatives sur le même thème, avec à chaque fois moins de succès. Comme parti politique, elle ne parvient pas à s’imposer durablement dans le paysage politique suisse. Ces échecs s’expliquent par la mise en place d’un plafonnement global de la population étrangère et la crise du pétrole qui entraîne une diminution de la population étrangère.
Programme lisible
Dix ans plus tard, le milliardaire Christoph Blocher réussit là où les petits partis d’extrême droite avaient échoué. Après avoir créé l’ASIN, puissant lobby anti-européen, il prend le contrôle d’un petit parti agrarien, conservateur mais plutôt centriste, l’UDC, pour en faire la première force politique de Suisse, en 1999. Pour y parvenir, il a d’abord, seul contre tous, fait capoter en 1992 l’adhésion de la Suisse à l’Espace économique européen (EEE). Il prend ensuite pour cible les réfugiés dont le nombre augmente pendant les années 1990 et qui sont souvent extra-européens. Ce sera enfin le tour les criminels étrangers et des musulmans.
Le programme de l’UDC est parfaitement lisible. Hormis sa composante identitaire et xénophobe parfaitement assumée, il repose sur quelques idées-forces.
Le souverainisme, qui conduit au rejet des institutions européennes et plus généralement des régulations internationales. Le renforcement de l’armée et de la sécurité intérieure. Une vision conservatrice du mariage (en 1984, Blocher s’était opposé à l’égalité entre l’homme et la femme au sein du couple) et le refus du mariage homosexuel.
Une politique ultralibérale à l’interne prônant le moins d’Etat, les baisses d’impôts, la dérégulation et la réduction des prestations d’assistance. Le refus de la transition énergétique, et donc des Accords de Paris, et la défense des automobilistes.
Une politique protectionniste en faveur de l’agriculture et le refus des importations parallèles, dont l’interdiction fait de la Suisse un îlot de cherté. Cela vous rappelle quelque chose? Le problème évidemment c’est que si chacun dit «mon pays d’abord», alors que les intérêts des pays sont divergents, cela peut très mal finir. Nous en reparlerons dans une prochaine chronique.
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