Le goût des livres, jusqu’à l’excès

Filippo Bernardini, Italien résidant aux Etats-Unis, avait été arrêté en janvier 2022 alors qu’il s’apprêtait à prendre l’avion. Le FBI le traquait pour avoir, durant plusieurs années, obtenu des manuscrits d’ouvrages non publiés. Pour ce faire, il avait mis en place des outils plus communs dans la cybercriminalité: usurpation d’identité, e-mails frauduleux et autres. L’accusé – qui a ainsi dérobé plus de 1000 textes – a écrit à la Cour fédérale du district Sud de New York pour expliquer ses actes.

«Je n’ai jamais voulu ni n’ai divulgué aucun d’entre eux. Je les voulais avec moi, être l’un des rares qui les possède avant tout le monde, bien avant qu’ils ne sortent en librairie. A certains moments de mes lectures, j’ai ressenti comme un lien unique et spécial avec l’auteur, presque comme si j’en étais l’éditeur. » Pour le poète et romancier Jesse Ball, pourtant victime de l’imposteur, toute condamnation serait un excès. «Envoyer en prison un homme pour cela reviendrait à créer une victime – en l’occurrence, l’accusé – alors que le crime n'en avait pas fait.»

Au final, ayant plaidé coupable en janvier dernier, Filippo Bernardini ne restera pas en prison: la juge Colleen McMahon l’a condamné le 23 mars à une peine réduite à sa détention provisoire, et à quitter le territoire américain. Il avait déjà accepté de rembourser 88 000 dollars (un peu plus de 80 000 fr.) de frais juridiques à l’éditeur Penguin Random House, partie prenante de l’affaire.


Une inspectrice trop bavarde?

Policière et romancière publiée au Cherche Midi, Agnès Naudin s’est attiré le courroux de la justice française. Le parquet de Nanterre lui reproche d’avoir outrepassé les règles du secret professionnel régissant son métier. De fait, son premier roman, Affaires de familles, puisait dans trois enquêtes, toujours en cours à cette heure. De quoi amener le juge du tribunal correctionnel à une véritable défiance: «Si on remet Mme Naudin en service, elle peut encore écrire sur des affaires en cours», assure-t-il. Et le parquet de demander une interdiction d’exercer, définitivement. Verdict, le 15 mai… Sans que l’on sache s’il fera l’objet d’un prochain roman…


«La Peste» adaptée à la télévision et à l’ère post-covid

L’adaptation du best-seller d’Albert Camus, La Peste, fut annoncée fin 2021 par la chaîne France 2. Or, si l’histoire s’inscrivait dans la ville d’Oran, en 1940, cette version en mini-série projettera le spectateur en… 2029. «C’est une audace à laquelle on croit, dans le contexte qu’on vit actuellement à la fois de montée des radicalités de toutes parts et de crise sanitaire», expliquait à l’époque Stéphane Sitbon-Gomez, directeur des antennes du groupe.

Le tournage vient tout juste de commencer: la réalisation a été confiée à Antoine Garceau – amateur de littérature, puisqu’il avait adapté Les Particules élémentaires de Houellebecq, diffusé l’an passé. Pour La Peste, on plongera dans une société à peine rétablie «de la vague des épidémies covid», et qui, cette fois, sera confrontée à une peste «autrement plus redoutable»…


Frankenstein… vivant!

Autre grand projet cinématographique, celui que porte Guillermo del Toro, depuis de nombreuses années. Le réalisateur américain relance son chantier autour de Frankenstein, avec un certain Netflix à la diffusion. Dès 2013, del Toro évoquait ses intentions concernant le classique de la littérature gothique de Mary Shelley. A l’époque, l’acteur Benedict Cumberbatch avait même été engagé… mais ne figurerait plus dans la production.


Un dissident tibétain sous les verrous chinois

Zangkar Jamyang, figure de la littérature tibétaine, était porté disparu: arrêté le 4 juin 2020, dans le comté de Kyungchu à Ngaba, par les autorités chinoises qui l’avaient embarqué sans donner de précisions. Il aura fallu près de deux ans et demi pour qu’enfin son sort soit connu: la justice chinoise l’a condamné à quatre années de détention aux motifs de «séparatisme et diffusion de rumeurs dans des groupes de discussion sur internet».

Parmi les faits reprochés à l’écrivain, des voyages notamment vers les Etats-Unis, ainsi que des contacts avec des ONG américaines. En outre, il avait obtenu la validation de son visa en 2019 pour se rendre aux Etats-Unis, mais la pandémie l’empêcha de quitter le Tibet. Ses critiques à l’égard du régime chinois, sa volonté affirmée de promouvoir la langue tibétaine furent autant de cailloux dans la chaussure de Pékin. Et conduisirent les autorités à l’arrêter en juin 2020. Le PEN America dénonce désormais cette situation, exigeant une libération immédiate.


En Russie, étrange rime entre poésie et prison

Ils étaient trois poètes à avoir pris part en septembre à une manifestation poétique: ils avaient procédé à des lectures de textes, en soutien à l’Ukraine, qui leur coûteraient 10 années dans les geôles russes.

Devant la statue du poète Vladimir Maïakovski, installée à Moscou, s’étaient en effet retrouvés Artiom Kamardine, Iegor Chtovba et Nikolaï Daïneko. Et clamant: «Gloire à la Rus' de Kiev. La Nouvelle-Russie, va te faire foutre!», en référence au projet impérialiste du Kremlin, les voici sous le feu des projecteurs. Un peu trop.

Au lendemain de leur performance, la police russe les a cueillis à leur domicile. Accusés d’incitation à la haine, ils furent condamnés ce 30 septembre à une peine de 6 ans de prison. Mais un autre chef d’accusation a surgi, «appels à commettre des activités contre la sécurité de l’Etat». Ce dernier ajouterait quatre années à la décision de la justice.

Lire finalement la dernière chronique Planète livres: Un éditeur libéré en Chine, des livres plus chers en Belgique: toute l’actualité du monde des livres

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