Hector est ravi. Déjà parce qu’avec Paul, son compagnon, il vient d’acheter un pied-à-terre à Berlin. Trente-cinq mètres carrés à Prenzlauer Berg, le quartier bobo-branché de la capitale germanique, c’est stylé. Mais Hector est ravi aussi parce qu’il a consacré une partie de ses vacances à un cours accéléré d’allemand. Dix jours intensifs pour rafraîchir ses connaissances laborieusement acquises lorsqu’il était gymnasien. Hector n’est pas unique en son genre. Lila a profité de ses congés pour s’initier au coaching, Marie-Luce s’est rendue dans la Drôme pour s’essayer à l’archéologie et Simon a appris l’art de cueillir et de cuisiner les herbes sauvages dans le Jura vaudois.

C’est ainsi. Durant l’été, nombre d’individus, pas forcément masochistes, travaillent encore quand ils ne travaillent plus. Ou étudient, se cultivent, se forment. En tout cas, ils ne décrochent pas. L’idée de faire le lézard sur une plage ou le paresseux dans un hamac? Très peu pour eux!

Activisme suspect?

Evidemment, on se dit que c’est suspect, cette incapacité à ne rien faire. On décèle un fond de névrose dans cet activisme forcené. Ou une forme de culpabilité. Hector est enseignant à Genève. Il a huit semaines de vacances l’été, trois mois sur toute l’année. Il trouve donc normal, et nous un peu avec lui, de consacrer une grosse semaine à trimer…

Mais, à mieux y penser, les vacanciers bûcheurs ont raison. En se mobilisant, ils rapportent un trésor à la maison. Leur nouveau savoir est leur butin, qui témoigne de ce temps consacré à une activité exotique. C’est chic. Pendant que les poussahs de mon espèce, qui passent leur temps à se prélasser sur le sable brûlant ou à manger des huîtres avec du pain beurré et du vin blanc, ne reviennent qu'avec des coussins de graisse. C’est dit, l’année prochaine, je me mets au paddle. Ou l’année d’après.


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