Ce jeudi, Ignazio Cassis participera à Prague au sommet informel pour la nouvelle «communauté politique européenne» proposée par Emmanuel Macron. Ce raout devrait rassembler, en plus des 27 Etats membres de l’UE, une quinzaine d’Etats européens non membres aux destinées européennes hétéroclites: des candidats à l’adhésion, comme la Serbie, des voisins de l’Union, comme l’Arménie, un ex, le Royaume-Uni, ou encore des Etats ne souhaitant pas l’adhésion, comme la Suisse.

Si elle se pérennise, cette nouvelle plateforme offrira à la Suisse des canaux diplomatiques supplémentaires. Deux fois par an, elle pourrait ainsi côtoyer et échanger avec des dirigeant·es européen·nes, et saisir cette occasion pour faire avancer des dossiers. Cet accès est d’autant plus bienvenu que la Suisse est relativement mal dotée en comparaison européenne, comparé à d’autres non-membres comme les pays des Balkans ou la Norvège. Sans même parler des Etats membres : l’appartenance au club offre l'accès à pas moins de quatre sommets par année au niveau des chef·fes d’Etat et de gouvernement, ainsi que des dizaines de rencontres ministérielles.

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Néanmoins, il est encore trop tôt pour attendre de la communauté politique européenne autre chose qu’un forum de haut niveau. Son but annoncé est «la promotion du dialogue politique sur des enjeux stratégiques d’intérêt pour l’ensemble du continent européen». Une aspiration qui la rapproche davantage à ce stade du Conseil de l’Europe ou de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe – la Russie et ses alliés en moins. Nous sommes encore très loin d’une Europe à deux cercles, qui permettrait à la Suisse d’intégrer le marché unique sans participer au projet politique. Une offre de cet acabit existe d’ailleurs déjà; il s’agit de l’Espace économique européen (EEE).

La participation de la Suisse à ce projet ne doit pas constituer une distraction pour notre diplomatie

Soyons clairs: la communauté politique européenne ne résoudra pas le problème européen de la Suisse. Si elle garde tout son intérêt diplomatique, elle ne constitue pas une alternative à une solution négociée garantissant à la Suisse un accès pérenne au marché unique et aux programmes de l’Union, comme la recherche. Par conséquent, la participation de la Suisse à ce projet ne doit pas constituer une distraction pour notre diplomatie, pour laquelle «la consolidation et le développement de la voie bilatérale avec l’UE» restent une priorité, selon la stratégie de politique extérieure 2020-2023 du Conseil fédéral.

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Pour atteindre cet objectif, il convient de rappeler quelques faits fondamentaux. Premièrement, le nombre d’options crédibles à disposition de la Suisse pour stabiliser ses relations avec l’UE est limité: adhésion à l’UE-EEE, voie bilatérale institutionnalisée, abandon de la voie bilatérale pour un accord de libre-échange. Deuxièmement, le statu quo n’existe pas. Troisièmement, la société et l’économie suisses ratent des opportunités majeures de coopération avec l’Europe aussi longtemps que le problème ne sera pas réglé. Quatrièmement, pour chacun des vrais obstacles identifiés jusqu’ici dans les discussions avec l’UE, il existe des solutions praticables et qui respectent les spécificités de la Suisse. Ce qui manque encore, c’est la volonté politique de les négocier; une volonté qui ne risque pas d’être fortifiée par l’approche des élections fédérales de 2023.

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