Coalition ultranationaliste au pouvoir
Le gouvernement rwandais doit absolument renoncer à cet accord. La communauté internationale a, quant à elle, l’obligation d’entendre les avertissements et condamnations du Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR), des organisations de défense des droits humains de premier plan comme Amnesty International et Human Rights Watch. Le sort tragique qui attend les requérants d’asile africains expulsés d’Israël au Rwanda ou dans d’autres pays d’Afrique ne fait pas de doute. Des témoignages dignes de foi recueillis par des experts indépendants ont fait apparaître plusieurs faits impossibles à contester. Les réfugiés ayant quitté Israël depuis 2013 dans le cadre d’un programme dit de «rapatriement volontaire» n’ont pas eu la possibilité de voir leurs demandes d’asile examinées sur sol africain.
Au lieu de cela, leurs documents de voyage ont été confisqués. Soumis à des traitements inhumains et dégradants, beaucoup ont repris la route de l’exil vers l’Europe. Risquant la torture dans les camps de Libye, certains ont péri noyés en mer Méditerranée. De nombreux réfugiés soudanais ont rejoint Israël après avoir survécu à un génocide et à de l’épuration ethnique. Quant à ceux ayant fui l’Erythrée, le gouvernement dont ils sont ressortissants est une dictature brutale qui s’est distinguée par des violations massives des droits humains.
L’accord entre Israël et le Rwanda pourrait constituer un dangereux précédent pour des gouvernements tentés de recourir aux mêmes méthodes
L’accord entre Israël et le Rwanda pourrait, de plus, constituer un dangereux précédent pour des gouvernements tentés de recourir aux mêmes méthodes dans d’autres parties du monde. A l’instar de nombreux mouvements populistes d’extrême droite qui progressent actuellement en Europe, la coalition ultranationaliste au pouvoir en ce moment en Israël s’appuie sur une rhétorique anti-étrangers pour flatter un électorat en perte de repères leurré par les sirènes nationalistes.
Quand Israël était pionnier
La situation socio-économique difficile de la population du sud de Tel-Aviv ne date pas d’hier. Relayé par les principaux médias du pays, le gouvernement Netanyahou exploite habilement la situation: des loyers élevés, la concurrence féroce sur le marché de l’emploi et le sentiment d’insécurité dans l’espace public lui permettent d’entretenir la peur et d’orienter les frustrations de nombreux Israéliens sur les réfugiés africains qualifiés «d’infiltrateurs». Or il faut garder à l’esprit que sur les quelques 14 000 demandes d’asile qui ont été soumises depuis 2010, seulement 11 auraient abouti à une réponse positive! 8000 ont été rejetées et 4000 n’ont pas été du tout examinées. Alors qu’ils étaient 55 000 en 2013, les Erythréens et les Soudanais en Israël seraient au nombre de 38 000 aujourd’hui. Parmi eux, on compterait 5000 enfants et 7000 femmes.
L’histoire du peuple juif à l’ère moderne a été profondément marquée par l’expérience de la migration forcée, et ce notamment jusqu’à la tragédie des réfugiés juifs européens cherchant à fuir la barbarie des nazis et de leurs alliés pendant la Shoah. Israël a dès lors logiquement participé activement à l’élaboration de la Convention des réfugiés de 1951, qu’il a été l’un des premiers Etats du monde à signer. Cet accord international a pour but de rendre le processus d’asile accessible et humain. Il s’agit donc d’un spectacle particulièrement triste et affligeant de voir les gouvernements israéliens et rwandais mépriser totalement aujourd’hui les principes contenus dans cet accord, dont celui, cardinal en droit des réfugiés, de non-refoulement. Les gouvernements progressistes du monde entier et la société civile internationale doivent en être conscients et refuser de fermer les yeux.