Le 11 septembre, le Conseil national devrait clore les débats parlementaires sur l’introduction d’un congé «paternité» de quatre semaines (initiative populaire) et de deux semaines (contre-projet parlementaire indirect). Une minorité croissante de parlementaires reconnaissent que c’est un congé parental important et flexible qui serait nécessaire pour répondre à certains défis majeurs de notre société. Arrivera-t-elle à faire passer un contre-projet indirect dans ce sens pour que le peuple puisse avoir un vrai choix de société sur lequel se prononcer?

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Quels sont les problèmes majeurs auxquels un congé adéquat et efficace pourrait apporter des réponses? Les statistiques démontrent que la natalité en Suisse est largement insuffisante pour le renouvellement de la population même si le nombre moyen d’enfants souhaités par femme et par homme suffirait pour son renouvellement. Faut-il rappeler que 34,5% des Suissesses avec une éducation tertiaire n’ont pas d’enfants et qu’il y a plus de femmes que d’hommes qui atteignent un tel niveau de formation? Parmi les facteurs principaux pour que le souhait soit revu à la baisse: conditions de travail, possibilités de garde et possibilité de partage entre parents des soins aux enfants. Parmi les femmes qui ont des enfants, le taux d’emploi est très bas en comparaison européenne, avec un pourcentage important de femmes avec une éducation tertiaire qui ne reprennent pas d’emploi ou sont en emploi en dessous de leurs capacités, cela alors même que l’économie manque de main-d’œuvre qualifiée indigène et que l’on pronostique une augmentation de cette pénurie. Conséquence: compensation par l’immigration. Les inégalités des opportunités et des contraintes pour les femmes et les hommes se répercutent à plusieurs niveaux.

Aligné sur l’UDC

Deux ou quatre semaines, cherchons l’erreur! La moitié des pays de l’OCDE ont des congés cumulés maternités/paternités ou parentaux de 43 semaines, avec une durée moyenne de 54 semaines. La Commission fédérale pour les questions familiales (COFF) avait déjà publié une étude en 2010 argumentant qu’un congé parental rémunéré de 38 semaines serait modeste, nécessaire et finançable. La COFF publie en 2018 une revue des résultats d’environ 140 études scientifiques les plus récentes sur les multiples effets du congé parental dans différents pays, sur la famille (santé, développement de l’enfant, résultats scolaires, répartition des tâches éducatives et domestiques), la société (natalité et égalité des chances) et l’économie (disponibilité de main-d’œuvre, productivité des employés, recettes fiscales). Ils confirment les conclusions de 2010. La COFF propose un modèle quelque peu modifié de 38 semaines pour tenir compte de l’efficacité des différents modèles en vigueur. Plusieurs minorités dans la Commission de la science, de l’éducation et de la culture du National souhaitaient, le 15 août, remplacer le congé paternité de deux semaines dans le contre-projet indirect par un congé parental, allant de 24 à 52 semaines!

Limiter le choix à un congé paternité de deux ou quatre semaines serait irresponsable envers la société de demain.

Le Conseil fédéral prétendait en début d’année qu’une augmentation de places de crèche aurait un meilleur rapport coûts/bénéfices qu’un congé paternité/parental. Mais les places de crèche ne remplacent pas la prise en charge par les parents au début de la vie de l’enfant. Au vu de ses campagnes récentes concernant les crèches, l’UDC ne peut être que d’accord! Le Conseil fédéral expliquait en juin aux Conseils des Etats que bien qu’il soit une option intéressante, «il est prématuré d’entrer en matière pour un congé parental, car il n’y a pas suffisamment d’expérience pour proposer un modèle efficace». Vraiment?

Manque de vision

Les expériences faites ailleurs montrent que l’efficacité pour atteindre les objectifs, tout en minimisant les contraintes de gestion du personnel pour les entreprises, dépend du modèle de congé parental adopté. La part réservée à la mère doit inclure la possibilité d’un congé prénatal. Contrairement à ce que prétend la majorité des partis, au-delà de la période d’interdiction pour la mère de travailler (huit semaines post-partum en Suisse), elle doit avoir le choix de pouvoir reprendre le travail à temps partiel sans perdre le restant de son quota. La Suisse est le seul pays où ce n’est pas possible. Dans plusieurs pays du Nord, la part cumulée pré et post-naissance est en dessous de 14 semaines. Le père (ou autre parent) doit avoir au moins huit semaines qui lui sont réservées, et dont seule une partie peut être prise en même temps que la mère au moment de la naissance, le restant pouvant être pris à temps partiel en alternance avec la mère. Finalement un nombre de semaines doit se répartir entre les parents de manière flexible mais pas simultanément. Le modèle proposé par la COFF est basé sur ces expériences.

Le Conseil fédéral a démontré un singulier manque de vision et de leadership sur ce dossier pourtant si important. Un congé adéquat aura des coûts, mais quelle est l’alternative? Avoir des enfants coûte cher et pénalise les femmes, pour celles qui décident d’en avoir, dans leurs aspirations professionnelles. L’Etat doit intervenir, c’est aux partis sous la Coupole de prendre leurs responsabilités. Limiter le choix à un congé paternité de deux ou quatre semaines serait irresponsable envers la société de demain.

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Patrick Robinson est le porte-parole de la Coordination romande des organisations paternelles

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