Élection
La double nationalité des prétendants au Conseil fédéral suscite de vives réactions. L’UDC s’en félicite, quand d’autres dénoncent un «débat idiot»

«Je suis le seul des trois candidats qui est vraiment Suisse au sens large du terme», a affirmé lundi Ignazio Cassis dans La Matinale de La Première de la RTS. Dans la dernière ligne droite, les prétendants au Conseil fédéral affirment leur attachement au pays. Au point de renoncer à leur double nationalité. Le candidat tessinois a rendu son passeport italien, tandis que Pierre Maudet se dit prêt à abandonner sa nationalité française. Peut-on briguer une place au gouvernement lorsqu’on est binational? Le débat fait rage.
Retrouveztous nos articles sur la succession Burkhalter.
"Je suis le seul des trois qui est Suisse au sens large du terme", dit @ignaziocassis. #LaMatinaleRTS pic.twitter.com/Z9DCnBZ4nz
— RTSinfo (@RTSinfo) 28 août 2017
L’UDC salue la décision d’Ignazio Cassis, et pour cause. Le parti souverainiste veut interdire la double nationalité pour les conseillers fédéraux. «Monsieur Ignazio Cassis a fait preuve de responsabilité et de bon sens», s’est réjoui le conseiller national indépendant – au sein du groupe UDC – Raymond Clottu dans l’émission Forum de la RTS. Principale inquiétude avancée: le risque de collusion dans la gestion des affaires du pays. Un binational serait plus susceptible d’avoir un conflit d’intérêts dans le suivi d’un dossier qui porterait sur le pays dont il est également le ressortissant.
L'argument a débordé du cadre du parti populiste. «Est-ce qu’en cas de guerre un plurinational pourrait défendre les intérêts de la Suisse face à son autre pays?» s’interroge ainsi Steen Boschetti, membre du comité du PLR à Morges, sur Twitter.
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«Rester loyal»
Cette question de loyauté ne taraude pas seulement les politiciens. Elle alimente aussi les discussions sur les réseaux sociaux. «Il pourrait être difficile de rester loyal si l’on se trouve dans une situation de conflit avec un pays. Passer le dossier à un collègue dans une telle situation n’est guère possible. Cependant, dans le cas de Cassis, ça sent l’opportunisme», suppose Ronald Welz, qui se présente comme Franco-Suisse sur la page Facebook de la Tribune de Genève. La méfiance est grande. Certains redoutent que l’abandon des documents d’identité ne suffise pas. «Vous pensez vraiment que poser le passeport change quoi que ce soit dans le positionnement mental? Surtout si c’est pour le reprendre après le mandat comme en parle Maudet dans une interview», indique @StavroBlofeld sur Twitter.
Plusieurs internautes s’inquiètent de voir le débat se réduire à cette seule question. «On se moque des origines, on veut des compétences et de l’intelligence. Tout le contraire d’un nationalisme bas de plafond», s’agace Francis Dupont sur le compte Facebook de la RTS. Les liens d’intérêt des candidats apparaissent également dans la discussion. «Qu’il renonce avant tout à son allégeance aux assurances maladie!» demande un autre internaute à Ignazio Cassis.
«Un débat idiot»
Manuel Tornare dénonce, lui, un «débat idiot». Pour appuyer son propos, l’ancien maire (PS) de Genève fait référence à un illustre personnage: «Le général Dufour a commandé l’armée suisse et était binational!» Des arguments historiques, mais pas seulement. Dans l’émission Forum, le député genevois Murat Alder (PLR) se contente de rappeler la loi. La législation helvétique n’interdit pas aux conseillers fédéraux d’être des ressortissants d’un autre pays. Et n’est-ce pas là l’essence même du pays? «La binationalité, c’est la particularité et la diversité de la Suisse qu’on aime. Non?» estime une internaute sur la page Facebook de la télévision publique.
Sur le blog de Grégoire Barbey: Double nationalité: Cassis et Maudet à plat ventre devant l’UDC
Près de 20% des Suisses ont une seconde nationalité. Alors, sont-ils des citoyens de seconde zone? La question s’est invitée dans le débat. La journaliste Chantal Tauxe dénonce la «lâcheté» d’Ignazio Cassis sur le site d’information Bon pour la tête. Le candidat a «raté l’occasion de rendre un formidable hommage aux capacités d’intégration de la Suisse», estime-t-elle. Un propos appuyé par Grégoire Barbey, blogueur au Temps. Selon lui, les deux prétendants au Conseil fédéral ont cédé face aux attaques de l’UDC. Une «faute politique», juge-t-il.
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