Le moment d’émotion du sortant, un vote sans surprise qui remet le Tessin à l’exécutif après 18 ans d’absence et, au final, des institutions respectées: l’élection au Conseil fédéral a été cette séquence sans surprise qui porte un homme consensuel à la tête du pays. Ignazio Cassis n’a pas de quoi emballer les foules, mais ce n’est pas une qualité requise pour devenir conseiller fédéral. Le système politique privilégie la retenue en toutes choses. L’ancien médecin cantonal tessinois ferait ainsi un parfait ministre de l’Intérieur pour gérer le dossier de la santé.

Ignazio Cassis devra bien sûr couper ses liens d’intérêts avec le lobby des caisses maladie. Mais personne ne doute vraiment de sa capacité d’indépendance. C’est le paradoxe de la politique à la sauce helvétique: on se prend à s’enthousiasmer lentement, même pour des défauts.

Malgré ou à cause d’une campagne tonitruante, Pierre Maudet ne s’inscrivait pas dans cette mécanique si particulière

Autant prévenir un éventuel observateur étranger qui se serait intéressé à cette élection: les candidats au poste de conseiller fédéral – qui n’a rien de suprême car partagé en sept – s’engagent dans un combat éphémère. S’ils ont la satisfaction de pouvoir lâcher leurs coups en phase de campagne, ils ne pourront jamais véritablement imposer leurs idées une fois au pouvoir, car le consensus doit toujours primer. Au plus, ils donneront une orientation à leur action.

Imbattable constitution

Cette quête perpétuelle de l’équilibre a empêché la révélation de ces derniers mois de se réaliser. Malgré ou à cause d’une campagne tonitruante et inédite, Pierre Maudet ne s’inscrivait pas dans cette mécanique si particulière. Il ne pouvait ni battre la Constitution qui sonnait l’heure d’un Tessinois, ni se faire adouber par un parlement dont il n’a jamais fait partie.

Si Pierre Maudet veut se donner les moyens de réussir son ascension la prochaine fois, il lui faudra passer quelques années à Berne. C’est dans cette intimité des réseaux constitués patiemment lors des commissions et autres rencontres plus informelles que se font et défont les rois. Un paradoxe de plus: il vaut mieux avoir voté des lois plutôt que d’avoir dirigé un canton pour accéder à l’exécutif fédéral.

La campagne ratée d’Isabelle Moret

Le Genevois réalise toutefois un score tout à fait honorable alors qu’il était donné grand perdant au vu de sa faible exposition sur la scène nationale jusque il y a peu. Isabelle Moret, elle, n’a jamais su comment mener cette bataille. Arrivée dernière de l’élection malgré une activité soutenue ces dernières années à Berne comme parlementaire, elle a échoué à la fin d’une campagne ratée, tant du point de vue de la clarté de son message que de son ambivalence quant au fait d’être une femme en politique.

Retrouvez notre dossier complet sur la succession au Conseil fédéral de Didier Burkhalter

Isabelle Moret n’aura pas saisi non plus que le parlement vote à droite. L’assemblée fédérale souhaitait marquer un tournant après le départ d’un Didier Burkhalter souvent considéré trop à gauche au sein même de son parti. Les notions de libéralisme et de souveraineté pesaient cette fois plus dans la balance que la proximité avec la vie fédérale. Ignazio Cassis, qui a clairement donné le sens de son action future – et pas seulement joué sur son italianité –, a su ainsi logiquement remporter la mise.


Nos articles le jour de l’élection, 20 septembre 2017

Le Temps publie des chroniques et des tribunes – ces dernières sont proposées à des personnalités ou sollicitées par elles. Qu’elles soient écrites par des membres de sa rédaction s’exprimant en leur nom propre ou par des personnes extérieures, ces opinions reflètent le point de vue de leurs autrices et auteurs. Elles ne représentent nullement la position du titre.