Les conservateurs britanniques n’ont plus le droit à l’erreur
ÉDITORIAL. Le nouveau premier ministre Rishi Sunak hérite d’une situation économique catastrophique. Sa marge de manœuvre est étroite. On le voit mal mener une autre politique qu’une austérité forcément impopulaire

Avec Rishi Sunak, le Royaume-Uni a un nouveau premier ministre. C’est le quatrième depuis un certain 23 juin 2016, quand les Britanniques ont voté du bout des lèvres pour la sortie de l’Union européenne. Liz Truss, la dernière locataire du 10 Downing Street, n’a tenu que 44 jours. Au pays de sa majesté Charles III, l’instabilité politique est désormais reine.
Le Brexit, arraché sur la base de promesses fallacieuses d’une grandeur retrouvée, contribue à ce chaos. Le Parti conservateur au pouvoir n’en finit pas de se déchirer sur cet héritage toxique. Rishi Sunak aura la lourde tâche de s’imposer et de restaurer la crédibilité du gouvernement. Le nouveau premier ministre est lui aussi un brexiter. Il ne faut donc pas compter sur lui pour remettre en question la voie solitaire du Royaume-Uni.
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Un candidat au profil particulier
Fait historique, les conservateurs mettent leur sort dans les mains d’un leader au profil inédit. C’est la première fois que le Royaume-Uni sera dirigé par un politicien qui n’est pas blanc mais issu d’une famille indienne, laquelle a émigré au Kenya à l’époque de l’Empire britannique. Le symbole est fort et témoigne paradoxalement de l’ouverture de ce pays malgré son isolationnisme revendiqué.
Rishi Sunak a aussi pour lui une réputation de sérieux et de compétence acquise lorsqu’il était chancelier de l’Echiquier – l’équivalent d’un ministre des Finances – sous le fantasque Boris Johnson. Ces dernières semaines, il s’était opposé aux baisses d’impôts suicidaires décidées par Liz Truss avant qu’elle ne se ravise face à la panique des marchés, signant son arrêt de mort politique.
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Le profil de Rishi Sunak, un ancien banquier, a tout pour rassurer la finance. Mais saura-t-il convaincre ses concitoyens qui bataillent pour payer leurs factures? Car le premier ministre hérite d’une situation économique catastrophique. Sa marge de manœuvre est étroite. On le voit mal mener une autre politique qu’une austérité forcément impopulaire.
Pour accéder au 10 Downing Street, Rishi Sunak ne peut se prévaloir que du soutien d’une centaine de députés conservateurs. Une bien maigre légitimité. Liz Truss avait, elle, été désignée par les membres du parti (81 326 voix), quand Boris Johnson avait remporté en 2019 une large victoire électorale, en gagnant aussi dans des bastions travaillistes. Politicien multimillionnaire, Rishi Sunak aura plus de difficultés à convaincre cet électorat dans deux ans. S’il est évincé avant, ne pas revenir aux urnes serait indéfendable, dans un pays qui se targue d’être l’une des plus anciennes démocraties du monde.
Ce texte a été mis à jour le 25 octobre pour préciser le processus qui avait conduit Liz Truss au poste de première ministre.
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