Revue de presse
Le couvre-feu qui commencera samedi à minuit est vu comme une mesure logique vu la progression de la pandémie en Europe. Les questions qui demeurent sont celles de son acceptation

Cinq jours après un match à Roland-Garros qui s’est fini après 1 heure du matin, Emmanuel Macron a donc annoncé un couvre-feu à 21 heures dans 8 régions en plus de l’Ile-de-France. «Oh my God, a tweeté en direct la correspondante de la radio nationale américaine NPR, c’est surréaliste.»
Une «décision choc», un «terme guerrier»… Les commentaires sont nombreux dans la presse étrangère, et parfois alarmés. «Une des actions les plus drastiques prises par un dirigeant politique depuis le rebond de la pandémie», estime le Financial Times, repéré par le Courrier international. «La semaine dernière, Berlin a obligé les bars, les cafés et les restaurants à fermer entre 23 heures et 6 heures du matin, sans aller jusqu’à imposer un couvre-feu complet, remarque le quotidien financier britannique. L’annonce française survient le même jour où une révolte régionale menace la stratégie anti-covid de Boris Johnson.»
«Le recours au terme «couvre-feu» n’est pas anodin, selon La Vanguardia. Ce mot fort, chargé d’évocations guerrières, vise à avoir un effet psychologique sur la population, à jouer le rôle d’une sorte d’électrochoc. Il entend dire très clairement que le moment est grave et que les conséquences de l’inaction des autorités ou de l’indiscipline de la population peuvent être dramatiques. Quelques heures plus tôt, on imaginait que Macron utiliserait un terme plus doux, comme «confinement nocturne». Finalement, il a été décidé de refuser les euphémismes et d’affronter la réalité ouvertement», explique le journal espagnol.
Paradoxalement, le président français n’a pourtant pas adopté le ton martial qu’il avait pris au printemps, note Le Soir, qui titre sur les «Français privés de sortie». «Oublié, le «Nous sommes en guerre» martelé […] en mars», Macron, accusé par ses détracteurs d’avoir versé dans l’infantilisation, a opté pour un ton plus compatissant en déroulant les nouvelles restrictions auxquelles les Français devront se plier pour au moins quatre semaines, voire six.» «Le président a cherché à utiliser une rhétorique plus confiante», confirme la correspondante de la Süddeutsche Zeitung: il a précisé qu’il n’y avait pas lieu de «paniquer». Il s’est même montré «encourageant», en rappelant combien les Français «avaient bien suivi les consignes de confinement au printemps et que la France avait alors été l’un des premiers pays d’Europe à ouvrir à nouveau des écoles».
Déconfinement trop rapide
L’annonce de ce couvre-feu est certainement «le signe le plus frappant de la détérioration de la situation» en Europe, selon le New York Times, qui ne se dit «pas trop surpris par ce revers: dans plusieurs pays européens, le confinement a été levé trop rapidement, semant un faux sentiment de sécurité parmi les personnes qui pensaient pouvoir reprendre une vie normale.» Il n’est que de lire les gros titres de la presse; l’article le plus lu ce matin dans le Corriere della Sera est intitulé «Cent mille cas par jour en Europe». Sur la chaîne de télévision australienne SBS, le couvre-feu en France voisine avec la fermeture des bars et restaurants en Catalogne pour deux semaines, pour quatre semaines même en Irlande du Nord, ou les restrictions sur les ventes d’alcool aux Pays-Bas…
Sur Twitter, les mots qui indiquent la tendance des conversations ce matin, les «TT», «Trending on Twitter», sont #lockdown, #virus, #couvre-feu, et… #Noël: même si les vacances d’automne, qui commencent ce samedi en France aussi, sont maintenues sans restrictions particulières, personne ne sait si d’ici la fin de décembre la situation sera suffisamment stabilisée pour que les fêtes de famille et entre amis puissent se dérouler normalement, après 21 heures et à plus de 6 à table.
L’autre interrogation de la presse étrangère quant au confinement de nuit des Français des grandes villes est leur degré d’acceptation. Sur les médias sociaux, ça gronde.
A ne pas rater donc, la voix discordante dans La Tribune de Genève de Roland Cayrol. Au rebours des milliers de commentaires très en colère qu’on lit ce matin sous les «Macron remet le couvercle» de Libération par exemple, l’ancien politologue affirme que «Les Français sont vraiment partisans d’un tour de vis à l’égard du covid. A la limite, le fantasme d’un nouveau confinement les rassurerait presque.» Et de citer les sondages après le confinement: «57% des Français en gardent un bon souvenir. La terreur du retour au confinement, je n’y crois pas. Les Français veulent plus de mesures pour empêcher la propagation du virus […] L’idée des Français grands défenseurs des libertés, c’est une blague: ils ont peur et veulent que l’Etat sévisse!»
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