Crèches: beaucoup d’argent pour trop d’attentes
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AbonnéOPINION. Subventionner les crèches pour augmenter la participation des femmes au marché du travail. Le principe ne convainc pas le laboratoire d’idées libéral Avenir Suisse

Depuis 2003, la Confédération soutient financièrement la création de places d’accueil de la petite enfance par le biais d’un programme provisoire qui a déjà été prolongé à maintes reprises. Ainsi, près de 500 millions de francs ont été versés au cours des vingt dernières années. Récemment, le Conseil national a décidé de pérenniser ce soutien financier. Il est à nouveau question de quelques centaines de millions de francs, mais cette fois-ci, par an.
Il s’agit non seulement de soutenir les parents d’enfants en âge préscolaire, mais aussi de réduire le prix d’autres offres telles que les garderies ou autres structures de jour. Au total, selon le projet de loi actuel, la Confédération participerait aux frais de garde des enfants à hauteur de 20%. Le coût total d’une place à la crèche en Suisse est d’environ 30 000 francs par an, dont environ deux tiers sont aujourd’hui payés directement par les parents. Cette participation représenterait donc un allègement considérable, aux frais des contribuables.
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Outre les suspects habituels, de larges pans de l’économie soutiennent désormais cette proposition, espérant que les aides supplémentaires inciteront les parents d’enfants en bas âge à travailler plus, en particulier les mères. La mesure pourrait ainsi contribuer à atténuer la grave pénurie de main-d’œuvre qualifiée – du moins, c’est ce que l’on espère.
Un effet de substitution
Mais ces espoirs sont-ils justifiés? Certes, plusieurs études ont montré que la demande de places de crèche en Suisse est relativement élastique par rapport aux prix: la baisse des tarifs de 10% devrait déclencher une augmentation de la demande comparable, aux alentours donc de 10%. Toutefois, ces aides supplémentaires n’engendreront probablement pas une hausse proportionnelle de l’emploi des femmes, car elles iront principalement au détriment de l’accueil «informel», entre autres celui des grands-parents et autres proches.
Ainsi, selon une étude de l’Université de Neuchâtel, une baisse des tarifs de 10% n’entraînerait qu’une augmentation de 3,5% du nombre d’heures travaillées chez les femmes qui ont des enfants et qui ont déjà un emploi. Pire encore: pour les mères qui ne sont pas actives professionnellement, l’étude estime qu’il n’y aura aucun effet quantitatif sur l’offre de travail.
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En d’autres termes, la majorité des subventions supplémentaires se traduira par des effets d’aubaine pour les parents qui ont déjà une place en crèche. (Père de deux enfants en bas âge, l’auteur de ce commentaire en est d’ailleurs d’ores et déjà reconnaissant.)
A long terme, si l’on veut augmenter le potentiel de main-d’œuvre en Suisse, il vaut mieux chercher ailleurs. L’alternative la plus efficace serait sans doute le passage à l’imposition individuelle. En effet, le système actuel d’imposition conjointe des revenus des couples mariés taxe lourdement l’offre de travail des femmes. En ce qui concerne l’emploi féminin, une réforme fiscale aurait un meilleur rapport coût-bénéfice. Reste à faire passer le message aux parlementaires.
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