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La culture à l’heure des bombes

OPINION. Le régime de Vladimir Poutine crie à une attaque massive de l’Occident contre la culture russe: ce sont pourtant bien les programmes gouvernementaux au nationalisme qui «cancellent» la culture russe en l’enrôlant dans le combat nationaliste, déplore Michail Maiatsky, auteur et collaborateur à l’Université de Lausanne

D'anciens parachutistes et de jeunes militaires défilent devant les pieds des célèbres sculptures d'Atlas au musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg, en Russie, le 2 août 2022.  — © Dmitri Lovetsky/Keystone
D'anciens parachutistes et de jeunes militaires défilent devant les pieds des célèbres sculptures d'Atlas au musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg, en Russie, le 2 août 2022. — © Dmitri Lovetsky/Keystone

Après quatre séries de débats consacrés à la justice internationale, aux addictions, à l'Afrique, et à la sécurité, c'est au tour de Korine Amacher, professeure d’histoire russe et soviétique à l’Université de Genève, de donner la parole à celles et ceux qui ont consacré leur vie à étudier l’histoire, la culture, la littérature, l’art et les sociétés d’Europe centrale et orientale.

Notre dossier: Russie-Ukraine, archipel de la guerre

Echappatoire ou tactique escapiste, le grand sujet de débat en Russie semble être aujourd’hui le «cancelling de la culture russe». L’Occident serait en train d’orchestrer une attaque massive contre notre Pax Rossica, cherchant à réduire l’espace russophone, à interdire nos classiques, à empêcher nos artistes de se produire à l’étranger, à exclure nos étudiants des universités occidentales… Selon les plus virulents, l’Occident, jaloux de notre Grande Culture, aura utilisé le prétexte de notre «action militaire spéciale» pour déployer ouvertement ce qu’il aurait toujours pratiqué en catimini, à savoir sa russophobie. Les plus modérés assurent qu’en élargissant ses sanctions au domaine culturel, l’Occident n’affaiblirait aucunement le pouvoir russe, mais nuirait à la société, aux opposants du régime, et détruirait le peu qu’il reste d’îlots de résistance.

Qu’en est-il vraiment? Certains faits, au demeurant minimes, sont avérés, mais l’ensemble est largement exagéré: non, on continue à lire Dostoïevski, à écouter Rachmaninov, à admirer Tarkovski et à inaugurer le Festival d’Avignon avec Serebrennikov. La prétendue russophobie de l’Occident est un mythe fondateur de la dictature poutinienne qui vise à se transformer en une «Île (ou Forteresse) Russie». On ne peut guère trouver exagérées les mesures d’exclusion prises à l’encontre des grands piliers du poutinisme, comme le chef d’orchestre Gergiev ou le pianiste Matsouïev. Quelques acteurs culturels occidentaux dans le domaine scientifique, artistique ou sportif ont préféré ne pas juger au cas par cas et exclure purement et simplement toute participation russe. La plupart ont toutefois essayé de faire la distinction entre institutions et citoyens.

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