présidentielle 2017
A l'invitation du «Temps», quatre jeunes militants suisses ont commenté le duel Macron-Le Pen. Et c'est tout un pays qui s'affirme

L’invective et la méchanceté sont restées sur le plateau de télévision. Pour commenter le débat présidentiel français mercredi soir, Le Temps avait convié dans ses locaux quatre jeunes militants suisses de bords politiques différents: une Verte valaisanne, Céline Lugon; un PLR vaudois, Barry Lopez; un UDC, également vaudois, Dylan Karlen; et une militante de l’Union européenne, Caroline Iberg.
Revivez le débat présidentiel français commenté par nos invités, quatre jeunes militants suisses
Ce qui frappait, à l’issue de deux heures et demie d’un débat TV pénible et violent au-delà des différences politiques perceptibles sur les sujets de sécurité notamment, c’est le consensus entre nos quatre invités sur le diagnostic du malade français, et sur la manière de faire de la politique à la sauce helvétique.
«En Suisse, on a su mieux intégrer les étrangers, et donc les jeunes ne sont pas laissés à eux-mêmes, ils ont du travail, font des études, et partent moins dans le djihadisme», pour Barry Lopez. Le problème de l’intégration, avec ses résonances sur cette question, a beaucoup fait réagir. «L’immigration est mieux répartie chez nous. En France, il y a une concentration en ghettos et des viviers de radicalisation, remarque Dylan Karlen. Emmanuel Macron semble défendre une vision d’une société multiculturaliste à l’anglo-saxonne, tandis que Marine Le Pen défend une vision assimilationniste. La Suisse résiste mieux à la tentation multiculturaliste.»
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Le service militaire était utile
«Le communautarisme est un sujet en France comme en Suisse, c’est le même combat. Et Marine Le Pen est forte sur ce sujet», renchérit Barry Lopez. «C’est en améliorant la situation des jeunes dans les cités et en les intégrant mieux qu’on progressera», pour Céline Lugon. Et Caroline Iberg de noter que la Suisse «est un pays plus petit, avec une densité démographique différente, on n’a pas eu de migrations post-coloniales, la Suisse n’a pas le droit du sol, ça fait une très grosse différence.» «La grande erreur des Français a été de supprimer le service militaire obligatoire, cela n’a pas aidé l’intégration des jeunes issus de l’immigration et le renforcement de la notion de «service à la nation», poursuit Dylan Karlen.
Le rapport à l’Europe aussi a été très commenté par nos invités. «Marine Le Pen propose la suprématie du droit national français sur le droit international. C’est le même objectif que celui de l’initiative de l’UDC contre les juges étrangers», rappelle Dylan Karlen. «Cette initiative de l’UDC nous ferait résilier la Convention européenne des droits de l’homme et les accords bilatéraux entre l’UE et la Suisse. Soit un isolationnisme complet», critique Caroline Iberg.
«Réinventer l’Europe»
«Face à l’UE, Marine Le Pen dresse un constat intéressant de ses dérives, qu’en Suisse on peut comprendre. Mais ses solutions sont irréalistes!» juge Barry Lopez, qui a aussi la nationalité espagnole: «L’UE est une nécessité, mais elle doit s’inspirer du modèle fédéral de la Suisse. C’est insupportable d’entendre Marine Le Pen dire que c’est uniquement la France et l’Allemagne qui font l’Europe. Vingt-huit pays la font.» Et Caroline Iberg de rêver: «Un couple Macron-Schultz pourrait permettre de réinventer le projet européen.»
D’autres sujets ont fait réagir, comme la proposition d’Emmanuel Macron d’étendre aux travailleurs indépendants et aux chefs d’entreprise les allocations chômage, jugée «très intéressante» par Barry Lopez. L’introduction d’une part de proportionnelle dans les élections, qualifiée de «beaucoup plus représentative et juste» par Céline Lugon. Enfin, nos quatre invités ont unanimement regretté l’absence des questions écologiques, du numérique voire de politique étrangère à l’aube d’une élection qui doit décider du destin de la France ces prochaines années.
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