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Donner une chance aux nazis?

OPINION. La hausse des actes d'antisémitisme en Suisse romande témoigne de l'urgence d'amplifier la pédagogie à ce sujet dans les écoles, écrivent le député PLR genevois Alexandre de Senarclens et le président du PLR Genève Bertrand Reich

Un autodafé de livres par des membres et sympathisants du parti nazi à Berlin, mai 1933. — © Bundesarchiv, Bild 102-14597 / Georg Pahl / CC-BY-SA 3.0
Un autodafé de livres par des membres et sympathisants du parti nazi à Berlin, mai 1933. — © Bundesarchiv, Bild 102-14597 / Georg Pahl / CC-BY-SA 3.0

Depuis 2003, la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (Cicad) publie un rapport annuel sur les actes d’antisémitisme en Suisse romande. En 2022, elle a recensé 562 cas d’antisémitisme, dont les deux tiers sur internet. Non seulement le nombre de cas est en forte augmentation, alors que l’année 2021 avait déjà été caractérisée par une hausse des cas d’antisémitisme, mais leur gravité aussi. On a ainsi pu voir des stickers demandant de donner une chance aux nazis («Gib Nazis eine Chance»). C’est en particulier sur le Net que s’exprime cette haine avec une hausse de 70% des actes. Il faut aussi déplorer des cas d’insultes, la souillure d’une synagogue ou des courriels à caractère antisémite et/ou négationniste.

Ces messages, ces actes sont la négation de l’humanité. Les nazis, ce sont des hommes qui ont trouvé normal, et même souhaitable, de tuer leurs semblables en raison de leur religion. Au motif d’un devoir d’obéissance à «l’autorité», des hommes jusque-là ordinaires ont froidement, systématiquement tué des millions d’humains, enfants, hommes, femmes, dont le seul tort était de faire partie d’une communauté religieuse ou d’autres minorités pourchassées. Il faut évidemment condamner toute apologie du nazisme et interdire les signes nazis, mais il faut aussi encore et encore rappeler ce que le nazisme implique nécessairement: un endoctrinement. Ce n’est pas pour rien que les nazis brûlaient des livres. La connaissance est leur ennemie, le savoir, leur adversaire.

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L’Histoire nous apprend que rien de bien n’est jamais définitif et que le travail de construction d’une société paisible et prospère est un éternel recommencement. Il y a un siècle, en août 1923, Gustav Stresemann, «le dernier espoir avant le nazisme», était nommé chancelier de la République de Weimar, avant d’en devenir cent jours plus tard le ministre des Affaires étrangères, jusqu’à son décès prématuré, le 3 octobre 1929. Ses efforts pour la paix lui valurent de recevoir le Prix Nobel de la paix, conjointement avec Aristide Briand, le «pèlerin de la paix», le 10 décembre 1926. On connaît malheureusement la suite…

Rappeler et expliquer l'histoire

En 2023, le rappel et l’explication de l’histoire du siècle passé sont plus que jamais essentiels. Les derniers témoins des atrocités nazies sont en train de s’éteindre. Les plus jeunes générations ont un lien moins direct avec la Deuxième Guerre mondiale et souvent une méconnaissance des ressorts et des enchaînements historiques qui ont mené à ces heures sombres, précédées – ne l’oublions pas – de siècles d’intolérance et de persécution à l’égard des juifs. Les réseaux sociaux sont le lieu où tout le monde s’exprime sans filtre, laissant libre cours à tous les fantasmes et à la réécriture des faits. Les fausses informations («fake news») se colportent à l’infini et de façon exponentielle. Les rancœurs et les frustrations de toutes sortes s’y matérialisent par des discours de haine et la recherche de boucs émissaires. Les théories du complot voient le jour en fonction de l’actualité, le Covid-19 en 2020, la guerre en Ukraine en 2022.

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Comme rappelé plus haut, le racisme et l’antisémitisme se nourrissent de l’ignorance. C’est donc notre devoir collectif de rappeler des faits historiques, d’expliciter les mécanismes de construction du rejet et de la haine de l’autre. A ce titre, la Cicad accomplit un travail de veille et de prévention remarquable. Malheureusement, il ne suffit pas. Les parents, les élus, la société civile et évidemment l’école ont un rôle essentiel à jouer. Au vu de l’augmentation des chiffres, il est désormais nécessaire d’amplifier non seulement l’analyse du phénomène mais aussi de mettre réellement en œuvre et de développer au sein de l’enseignement obligatoire et post-obligatoire la pédagogie qui est offerte sur ce sujet, notamment par ceux qui le connaissent particulièrement bien.