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Libérons nos rues de la publicité!

OPINION. Le 12 mars, les habitants de la ville de Genève se prononceront sur l’initiative «Zéro pub». Aux yeux du comité d’initiative, qui signe cette tribune, le domaine public doit être un espace de délibération collective, plutôt qu’un énième espace de vente

Deux affiches de position sur l'initiative «Zéro Pub», le 23 février 2023 dans les rues de Genève. — © MARTIAL TREZZINI / KEYSTONE
Deux affiches de position sur l'initiative «Zéro Pub», le 23 février 2023 dans les rues de Genève. — © MARTIAL TREZZINI / KEYSTONE

Lors des votations du 12 mars, la ville de Genève se positionne sur l’initiative «Genève zéro pub», visant à interdire l’affichage publicitaire commercial dans les rues de la ville. Depuis le lancement de cette initiative en 2017, certains opposants au texte ont crié à la censure et l’ont comparé à l’Inquisition catholique… en toute proportionnalité avec notre proposition d’abandon de l’affichage commercial dans les rues de la ville. Cette mesure est par ailleurs déjà appliquée dans des théocraties comme Berlin, Grenoble ou Puplinge.

Parmi les critiques, certaines visent à minimiser les effets de la publicité: «On n’achète pas un produit dès que l’on voit une pub». Certes pas si vite mais quel serait l’intérêt de l’affichage publicitaire s’il n’incitait pas à la consommation? D’ailleurs, les enquêtes sur l’industrie du tabac l’ont démontré: la consommation a diminué de près de 12% en moyenne dans les pays qui en ont interdit la publicité, selon le National Cancer Institute américain. Soulignons également que les premières cibles de la publicité sont les mineurs avec lesquels les marques cherchent à établir une relation, créer un lien de familiarité. Et ça marche: comme l’explique le spécialiste en marketing danois Martin Lindstrom dans son livre Brandwashed, un enfant américain sait reconnaître une centaine de logos en moyenne avant de savoir lire, et 300 à 400 vers l’âge de 10 ans.

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La publicité au service des grandes entreprises

Les partis de droite avancent également que nous devrions nous attaquer à la publicité invasive des GAFAM. Cependant, cette législation relève du niveau fédéral, où le pouvoir législatif est majoritairement… de droite. Nous soutiendrons volontiers ces partis s’ils veulent s’y attaquer. En attendant, en ville de Genève, ce ne sont pas nos commerçants et artisans de proximité qui utilisent l’affichage: leurs représentants l’ont souligné en commission du Conseil municipal. Le prix pour une campagne d’un mois (la moins chère en ville de Genève) équivaut à environ trois emplois au salaire minimum. Le comité unitaire a publié une enquête sur la réalité des entreprises qui affichent en ville de Genève: ce qui se rapproche le plus du local, ce sont des chaînes ayant des magasins dans plusieurs villes de Suisse, si ce n’est dans tout le pays, loin de l’image des PME défendue par les opposants.

Enfin, la partie adverse fait montre d’approximations dans ses arguments. Les débats parlementaires ont défini une perte de revenu de 4 à 5 millions de francs pour la ville. Aujourd’hui, les opposants avancent soudain le chiffre de 10 millions, au prix de conjectures hasardeuses, parfois sans fondement. Quoi qu’il en soit, nous ne minimisons pas les 4 millions mais ils représentent un investissement pour la qualité de vie des Genevois et des Genevoises.

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Retrouver une liberté

Libérer les rues de la publicité commerciale, c’est nous redonner une liberté. L’arrêt du Tribunal fédéral (TF) du 25 mars 2021 en faveur de la légalité de «Zéro pub» a souligné que l’intérêt général d’échapper à la publicité omniprésente est supérieur à la liberté économique. Car les publicitaires eux aussi en ont bien conscience: il est impossible de zapper, ou de fermer une publicité dans la rue, nous y sommes exposés sans liberté de nous y soustraire. Que l’économie soit supérieure aux droits des citoyens, les géants du tabac ont déjà essayé de le défendre en 2002, avant d’être déboutés par le TF. Ni la liberté d’expression ni l’économie ne se sont effondrées à cause de cela.

L’initiative «Genève zéro pub» propose de redonner à la population un espace démocratique, d’échange et de discussion. Raison pour laquelle il nous semble essentiel de conserver la possibilité de l’affichage politique, culturel et associatif. Il permet le débat, la confrontation d’idées, la participation citoyenne. S’attaquer à l’affichage commercial, c’est s’attaquer à la surconsommation qu’encourage la publicité. Cette initiative joue donc également un rôle social et écologique. Elle participe aux transformations nécessaires pour sauver la biodiversité et le climat, qui garantissent nos conditions de vie sur Terre.

Parce que l’espace public est un espace qui nous appartient à toutes et tous, il est important qu’il retourne entre les mains des citoyens, plutôt qu’entre celles des annonceurs privés, qu’il permette l’expression des habitants de la ville et qu’il redevienne un espace de délibération collective, plutôt qu’un énième espace de vente.


Pour le comité unitaire: Ada Amsellem (Genève libérée de l’invasion publicitaire), Ekaterina Dimitrova (Quartiers collaboratifs), Lucas Luisoni (Réseau Objection de Croissance), Emmanuel Deonna (Genève sans publicités), Teo Frei (Grève du Climat), Christine Dellsperger (Attac), Barbara Wegmann (Greenpeace), Brigitte Studer (Ensemble à gauche), François Mireval (Parti socialiste), Valentin Dujoux (Les Vert·e·s), Noé Rouget (Comité «Oui à Zéro Pub»).