Fin avril, LVMH est entré dans le club très exclusif des dix plus grandes capitalisations mondiales, en compagnie des Apple, Aramco, Microsoft, Alphabet ou Amazon… D’une certaine manière, LVMH et les grands groupes de luxe que sont Hermès, Kering et L’Oréal sont les GAFAM français.

Quels sont les clients qui contribuent à cette réussite inaltérée? Les analystes avisés observeront qu’en 2023, les résultats des maisons de luxe profitent du rebond de la Chine qui rouvre ses portes aux échanges internationaux, après la parenthèse covid. Les résultats bénéficient également de la résilience des marchés occidentaux et même de l’émergence de l’économie indienne. Dans le sous-continent, en effet, une classe moyenne composée de centaines de millions d’individus est en train de voir le jour. Elle aussi veut déambuler un sac Hermès à son bras et sentir les bulles du champagne Moët pétiller sous son palais.

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En réalité, quels que soient les événements qui surgissent, qu’il s’agisse d’une crise sanitaire, de la guerre en Ukraine ou de la fermeture de la Chine, les ventes et les bénéfices des géants du luxe ne cessent de battre des records, trimestre après trimestre. Pis (ou mieux), ils dépassent systématiquement les prévisions des analystes qui n’ont d’autre choix que de les réviser à la hausse. Les ventes aux Etats-Unis en ce début d’année semblent avoir atteint un plateau. Certains y verront les signes d’un essoufflement. D’autres y liront les prémices d’un futur rebond. De là à croire que ces groupes sont immunisés face aux aléas qui touchent le monde, il n’y a qu’un pas.

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Une démarche sélective

Qu’est-ce qui permet au secteur du luxe de résister ainsi aux intempéries économiques et aux désordres politiques? C’est d’abord le consommateur. Par sa démarche sélective, ce dernier exprime sa quête de qualité, de durabilité, d’esthétique, de sécurité et de distinction. En tout cas, c’est là le discours rationnel qui légitime son emplette. Sans doute cherche-t-il par ailleurs à «sublimer» son quotidien. A chatouiller cette part de vanité au fond de lui-même, qui lui rappelle que lui aussi «a droit» au luxe. Que lui aussi «peut se permettre». Que lui aussi est capable de «changer de catégorie». Un adage américain ne suggère-t-il pas: «Quand il ne vous reste plus qu’un dollar en poche, faites cirer vos chaussures»?

Ce sont ensuite les maisons de luxe. Leur rôle est de répondre aux besoins et aux fantasmes du client. Elles soignent le produit, mais aussi l’emballage, c’est-à-dire tout le décorum qui incite et autorise l’acte d’achat. Naturellement, elles ne se donnent pas tout ce mal pour rien. Souvent, l’«altitude» du prix fait partie intégrante de l’environnement du produit. A tel point que, parfois, on ne sait plus ce qui la justifie.

Mais la réussite de ces maisons ne se ferait pas sans une certaine vision, une certaine rigueur, un certain engagement. Pour preuve, cette nouvelle tournée des Métiers d’Excellence où LVMH a proposé aux jeunes talents, en février et en mars, des milliers de contrats dans le domaine de la création, de l’artisanat et de l’expérience client. En tout, 280 professions seront présentées par le biais de démonstrations et d’échanges. Différentes formations sont par ailleurs proposées par l’Institut des Métiers d’Excellence et son réseau d’écoles partenaires. Le luxe, c’est surtout un savoir-faire unique et des métiers rares, pour l’essentiel non délocalisables. Sous peine de perdre le précieux label «made in France», «made in Italy» ou «Swiss made».

Une valorisation au sommet

Les titres des «GAFAM français» ont connu des taux de croissance à deux chiffres depuis le début de l’année. Cette poussée leur permet d’enregistrer des performances supérieures de 30 à 100%, par rapport au CAC40, sur les quatre derniers mois. En même temps, l’évolution de ce panier d’actions n’a pu que tirer l’indice vedette de la bourse de Paris vers le haut, puisque ces groupes en font partie intégrante.

Cela dit, les ratios de valorisation sont clairement surévalués: les actions sont chères, très chères. Toutefois, cela n’empêche ni les spéculations ni les anticipations. Cela n’empêche pas non plus les résultats de venir conforter les attentes, contre toute attente: les titres de propriété des géants du luxe sont en effet devenus des valeurs refuges.

Le constat dont nous devrions tous nous réjouir est qu’il y a de plus en plus de consommateurs capables d’accéder à l’univers du luxe. Les marchés émergents n’en finissent pas d’émerger et les marchés développés, malgré l’érosion d’une certaine dynamique, maintiennent leur engouement pour ce type de produits. A ceux qui parlent de frivolité ou d’orgueil mal placé, suggérons que le luxe n’est rien d’autre qu’un produit de qualité avec une petite touche en plus.

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