Opinion
OPINION. Le déménagement du département «Actualité» de la RTS de Genève à l’EPFL est incompréhensible et injustifiable, selon six personnalités genevoises qui demandent des explications à la veille d’une réunion du conseil d’administration de la SSR

Le directeur de la RTS Pascal Crittin a réagi à la publication de ce texte.
Sa réponse: «La RTS aura deux pôles équilibrés entre Lausanne et Genève»
C’est à vous, Monsieur Cina, et à tous vos collègues du conseil d’administration de la SSR que nous nous adressons pour la première fois, pour vous faire part de nos vives inquiétudes. La prochaine décision sur le déménagement du département «Actualité» et du plateau de son fameux 19:30 de Genève à Lausanne, sur le site de l’EPFL, nous alerte fortement. La stratégie affichée nous paraît incompréhensible une année tout juste après l’initiative «NO Billag» que les citoyens et les citoyennes de la ville et du canton de Genève ont massivement rejetée.
Durant toute la campagne autour de ce vote, fortement émotionnel, la SSR s’est targuée d’être un ciment fédérateur du pays grâce à sa présence équilibrée dans toutes les régions et les cantons suisses. Comment comprendre dès lors, de la part d’un média qui se veut le média de tous et le média de chacun, un déménagement qui appauvrirait médiatiquement un pôle économique, universitaire, culturel et international important, en transférant et en centralisant des compétences et des activités dans un autre pôle déjà servi par un autre secteur de la SSR, la radio? Cette perspective problématique, nous la partageons d’ailleurs avec le canton de Berne, qui verra la radio déménager à Zurich, un canton qui abrite déjà le siège de la télévision alémanique. Au lieu d’être fédéraliste, le mouvement est centraliste et entraînera certainement à terme d’autres transferts à Lausanne.
Quelles économies?
Il est clair que ce déménagement représenterait une perte de substance notoire pour Genève, déjà affaiblie sur le plan médiatique par le transfert de différents postes et centres de décisions. En perdant le siège du 19:30, le risque est grand que la richesse et la diversité des intervenants issus du terreau genevois – notamment des milieux économique, académique, culturel et tout particulièrement international (OI, OING, conférences, rencontres, etc.) – diminuent fortement. Le deuxième siège international de l’ONU serait relégué au rang de province, avec tous les dégâts que cette relégation entraînerait sur l’image de la Genève et de la Suisse internationales.
En matière d’emploi, 200 postes sont concernés par le transfert envisagé. La formation journalistique sur Genève serait aussi touchée, notamment avec la perte de places d’apprentissage et de stages formateurs dans tous les métiers liés à la télévision et à l’information. Le bilan serait lourd pour la région genevoise.
Le deuxième siège international de l’ONU serait relégué au rang de province, avec tous les dégâts que cette relégation entraînera sur l’image de Genève
Certes, à l’époque de la transformation numérique de notre société, personne ne souhaite s’opposer à la volonté d’innovation et d’adaptation d’une entreprise, confrontée à une perte de redevance de 100 millions de francs et à une concurrence étrangère féroce, ni à la nécessité de réaliser des économies. La SSR n’a toutefois pas indiqué clairement jusqu’à aujourd’hui en quoi et comment le déménagement programmé des actualités télévision de Genève à Lausanne constituerait une véritable économie. Elle n’a pas non plus démontré qu’une réorganisation sur Genève ne permettrait pas de réaliser les économies souhaitées.
Un camouflet
De plus, une telle décision ne pourra être ressentie que comme un camouflet par une partie du monde économique genevois: comment exiger des nombreuses entreprises genevoises, qui permettent au canton de Genève d’être le seul contributeur romand à la péréquation financière, qu’elles paient une redevance élevée, alors même que la SSR s’apprête à délaisser la Tour et les coupe ainsi d’une présence directe dans l’actualité?
Monsieur Cina, Mesdames et Messieurs les membres du conseil d’administration de la SSR, la proposition de déménagement que vous allez devoir discuter touche à l’esprit même de Genève, cet esprit qui insuffle ouverture plutôt que repli local. Vous faites valoir qu’une adaptation des médias électroniques au monde d’aujourd’hui doit se faire autour de contenus et non plus de médias travaillant en silos. En poussant votre logique jusqu’au bout, un transfert à Zurich deviendrait pertinent!
Il convient de relever qu’à ce stade aucune garantie ou compensation concrète n’a été proposée par la direction de la SSR. Nous attendons en effet la confirmation que Genève restera bel et bien le siège romand de la RTS avec la production de toute la variété des magazines et des éléments de l’information au sens large. Alors, Monsieur Cina, Mesdames et Messieurs les membres du conseil d’administration, pas de décision sans clarifications et prise en compte de l’ensemble des conséquences d’un transfert du département des actualités et du plateau du 19:30 hors du canton de Genève.
* Carlo Sommaruga - Conseiller national, Béatrice Hirsch - Conseillère administrative de Troinex, Ivan Slatkine - Président de la FER, Joelle Kuntz - journaliste spécialiste de la Genève internationale, Nicolas Walder - Président des Verts, Sophie Dubuis - Présidente de Genève Tourisme et Présidente de la Fédération du commerce genevois
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