ÉDITORIAL. Avec l'entrée au parlement des héritiers du rabbin extrémiste Meir Kahane, Israël franchit un pas qui l'éloigne encore du rêve de ses fondateurs

En avant pour un nouveau tour de piste. Au terme d’un quatrième rendez-vous électoral en deux ans, Israël se retrouve, en apparence tout du moins, pratiquement au point de départ: à l’image d’une société très fragmentée, l’émiettement des partis politiques est tel que nul ne peut prévoir encore l’issue finale, tant elle dépendra du jeu sans fin des alliances et des contreparties politiques.
Derrière cette paralysie de façade, pourtant, la démocratie israélienne continue de faire sauter les digues les unes après les autres. Cette fois, c’est l’irruption au parlement d’un parti extrémiste héritier du mouvement de Meir Kahane. Prônant le suprématisme juif, l’homophobie, le racisme et la violence, ce mouvement avait été rejeté comme un corps étranger par la société israélienne il y a un quart de siècle. Son acceptation, aujourd’hui, est le dernier signe en date de la transformation radicale que vit le pays gouverné depuis douze ans par Benyamin Netanyahou.
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Car d’autres digues ont cédé avant celle-ci. La course effrénée de «Bibi» pour échapper coûte que coûte à la justice – il doit répondre de trois chefs d’inculpation – se mêle en effet au grignotage progressif des fondements même de l’Etat de droit. ONG menacées et bâillonnées, attaques contre la Cour suprême, loi Israël Etat-nation du peuple juif, votée en 2018, qui ouvre la porte à toutes les discriminations, non plus contre les Palestiniens mais contre les minorités israéliennes arabe et druze.
Tandis que la société dans son ensemble penche de plus en plus clairement à droite, le pays continue de glisser en direction des sionistes religieux et des ultra-orthodoxes, au prix de ne plus ressembler en rien au rêve de ses fondateurs. Les majorités, quand elles apparaissent, sont si menues au sein du parlement que chaque membre de cette majorité en devient pratiquement un «faiseur de rois» à lui tout seul.
Chacun de leurs votes vaut de l’or, et les exigences qu’ils formulent en faveur de leur «clientèle» sont à l’avenant. Pendant toutes ces années, Netanyahou a eu tout intérêt à encourager cet émiettement qui lui était favorable pour se maintenir au pouvoir. Si une cassure nette n’en finit plus de se préciser, c’est entre les Israéliens qui approuvent un Etat national juif et ceux qui continuent d’être attachés au caractère démocratique du pays. Mais c’est bien connu : la démocratie ne se résume pas à aller voter. Ici, elle semble au contraire s’amoindrir lors de chaque passage des électeurs par les urnes.
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Il y a 1 année
Cette situation n'est pas sans rappeler celle de l'Allemagne de Weimar, la puissance de feu allemande en moins...
Il y a 1 année
merveilleuse objectivité qui ignore que les deux-tiers de l'opinion publique israélienne condamne cette enième astuce de Netanyahou et qui invente les discriminations que dément le résultat des votes des électeurs arabes (au moins 60% d'abstentions)
Il y a 1 année
Comment peut-on comparer la situation d'Israël après ces élections à la République de Weimar, comme le fait @Bernard K., dans son commentaire? A moins de sous-entendre que la prochaine étape serait l'arrivée d'un dictateur du genre Adolf.., en Israël. C'est le genre d'amalgame préféré de certains milieux politiques qui n'hésitent pas à comparer la situation des Palestiniens à celle des Juifs durant la Shoah. La République de Weimar a été la première expérience démocratique de l'Histoire allemande. Elle naquit avec la défaite de 1918 et fut enterrée par les nazis en 1933, soit 15 ans après sa création. A l'opposé Israël a, dès sa création en 1948, opté pour la démocratie avec un régime parlementaire. C'est le Parti travailliste qui a façonné les institutions israéliennes durant plus de 50 ans, y compris son modèle d'éducation et de défense. Certes, la mort de Rabin assassiné en 1995, et l'arrivée de Netanyahou marquent un virage dans l'histoire d'Israël. Mais quel pays en guerre avec une majorité d'Etats voisins qui ne lui reconnaissent même pas le droit à l'existence après plus de 70 ans d'existence, ne privilégie pas un exécutif fort? Aucun. A elle seule, cette situation prouve la force de la démocratie israélienne, même si aujourd'hui elle est mise à rude épreuve. L'arrivée de Netanyahou au pouvoir a coïncidé avec plus de sécurité pour les Israéliens qui vivaient dans l'angoisse quotidienne d'attentats terroristes dévastateurs contre des civils innocents, après les années 2000 - 2ème Intifada. Aujourd'hui, le gouvernement israélien gagne la course mondiale du nombre de personnes vaccinées contre le Covid. Certes, Netanyahou est en tête de l'élection, mais c'est une victoire à la Pyrrhus, et un 5ème tour est déjà envisagé. Après une longue hibernation, le parti travailliste, sous le leadership de la journaliste Merav Michaeli a remporté 6 à 7 sièges à la Knesset. Si une hirondelle ne fait pas le printemps, du moins y contribue-t-elle. Et la démocratie israélienne est encore très loin d'avoir dit son dernier mot. Mais plus étonnant encore, cette attitude systématique des médias et milieux politiques, qui consiste à élever sensiblement le niveau des exigences dans tous les domaines lorsqu'il s'agit d'Israël. Pour ensuite mieux stigmatiser...