Editorial

Dépistage du cancer: vraie question, fausse issue

Le Swiss Medical Board (SMB) a réussi son premier buzz médiatique: à partir de données scientifiques déjà connues de tous et de longue date, ce conseil d’experts créé en 2008 à Zurich a publié dimanche un rapport concluant à l’absence d’intérêt du dépistage systématique du cancer du sein. Scientifiquement, donc, rien de nouveau dans ce brûlot: on sait depuis longtemps qu’il y a des problèmes dans ce genre de diagnostic – 4% des femmes qui rejoignent un programme cantonal de dépistage reçoivent un résultat faussement alarmant (faux positif). Et un pourcentage d’entre elles difficile à évaluer se voient diagnostiquer un début de tumeur qui n’aurait peut-être pas forcément évolué vers un cancer.

Mais ces programmes de dépistage permettent aussi de sauver des vies. Au final, la balance risques-bénéfices ne penche pas assez nettement d’un côté ou de l’autre pour éviter que les conclusions des experts, quelles qu’elles soient, ne soient contestées. Le rapport du SMB, qui recommande l’abandon de ces programmes, a donc été aussitôt attaqué par leurs responsables.

Pour eux, s’il y a des problèmes de diagnostics, il ne faut pas pour autant supprimer les programmes de dépistage mais bien améliorer encore leur qualité. Et ils soulignent que c’est justement ce qui est en train d’être fait. Les mammographies sont effectuées dans des instituts de radiologie agréés et les clichés sont examinés par deux médecins spécialisés au moins. Un système d’archivage centralisé permet d’avoir accès aux anciens clichés, même si la patiente a changé de canton. Enfin, un audit annuel est réalisé par l’Institut universitaire de radiophysique appliquée (IRA), à Lausanne. Toutes ces mesures de contrôle seraient difficiles, voire impossibles à mettre en œuvre avec un dépistage «opportuniste», soit effectué au cas par cas. Et, hasard du calendrier, la Ligue suisse contre le cancer lance ces jours-ci une procédure de consultation visant la mise à jour des normes de qualité de ces programmes.

Le rapport du SMB n’apporte donc pas de solution à la question de l’efficacité de ces dépistages organisés – ou, plutôt, il tente de répondre à une vraie question en prenant un faux chemin. Comparer, pour trancher, un certain nombre de vies sauvées avec des dizaines de mauvais diagnostics posés sur un pourcentage de femmes ne résoudra jamais la question à la satisfaction de tous. Ce que le SMB propose en attendant revient surtout à jeter le bébé avec l’eau du bain .