Deux France sont sans surprise sorties des urnes ce 10 avril. La première, celle d’Emmanuel Macron, est ancrée dans sa volonté d’affronter l’avenir aux côtés de ses partenaires européens et convaincue que le «quoi qu’il en coûte» ne pourra pas durer indéfiniment. La seconde, celle de Marine Le Pen, estime que l’heure est venue pour le président de réparer d’abord les fractures sociales du pays. Ces deux France sont très éloignées l’une de l’autre. C’est leur opposition qui sera, entre les deux tours, le socle de la nouvelle campagne présidentielle qui a démarré dimanche soir.

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Ces deux France ne sont pas irréconciliables. Des passerelles existent entre les deux. Mais comment les trouver, comment les construire et comment les défendre alors que le combat politique s’annonce redoutable dans les jours prochains? Emmanuel Macron, président sortant, a dans ce contexte une responsabilité particulière. Aussi résolu soit-il à prouver l’incompétence de cette adversaire qu’il a déjà battue voilà cinq ans, le locataire de l’Elysée ne peut pas être un diviseur. Il devra donc, dans les jours à venir, démontrer que son slogan de campagne «Nous tous» n’était pas qu’une formule de communication. Il devra démontrer qu’il peut, à 44 ans, être le pont entre ces deux pays avant tout divisés par un «ressenti» terrible: celui de la dépossession, celui des frustrations, celui des colères.

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Jean-Luc Mélenchon, candidat de la gauche radicale arrivé une fois de plus au seuil du second tour, aurait pu déverser de nouveau un discours protestataire. Il ne l’a pas fait. Le leader de La France insoumise l’a répété en affirmant que lui et ses partisans savent «pour qui ils ne voteront jamais», et en appelant plusieurs fois «à ne pas donner une voix à Madame Le Pen». C’est ce message-là qu’il faut retenir et qu’Emmanuel Macron, «tueur» de la gauche socialiste en 2017, devra entendre. Le pays blessé ne pourra pas se remettre «en marche» à coups de seules incantations pro-européennes. Il faut que des propositions de remèdes soient mises sur la table d’ici au 24 avril. Les Français, à travers l’importance du vote pour l’extrême droite et pour la gauche radicale, lancent un appel au secours. L’ignorer, ou ne pas en tenir compte, serait une porte ouverte vers un second mandat en forme de blessure.

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Reste enfin le défi politique posé par l’extrême droite et par la prise de pouvoir de celle-ci sur la droite traditionnelle. Valérie Pécresse aura été la candidate d’une droite en lambeaux. L’héritage du général de Gaulle est en pièces, pulvérisé par la polarisation électorale. Eric Zemmour va s’efforcer avec ses alliés de s’imposer au sein du camp conservateur. Cette bataille-là aussi sera redoutable. Les fractures françaises restent, plus que jamais, le sujet de cette élection présidentielle.

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