Le dialogue avec la Russie a presque disparu
Opinion
AbonnéOPINION. Le Parlement européen a décerné le Prix Sakharov à Alexandre Navalny, détenu depuis son retour en Russie, après avoir été soigné en Allemagne pour un empoisonnement survenu à Tomsk. Là, aucune «rencontre» possible entre pouvoir et opposition, écrit Georges Nivat

C’était un dialogue presque aussi fondamental que l’avait été celui de l’Europe avec l’Antiquité. Camus écrivait à Boris Pasternak qu’il ne serait pas celui qu’il était sans la Russie du XIXe siècle, et qu’avec le Docteur Jivago, il redécouvrait «la Russie qui l’avait nourri et fait». Après le «Dimanche rouge» de janvier 1905, où la police tira sur les ouvriers qui marchaient vers le Palais d’hiver, le poète Charles Péguy, pour dire sa compassion, invoqua l’image du Suppliant antique, partout présent chez Eschyle et Sophocle. C’était une époque où une solidarité culturelle et émotionnelle nourrissait encore les cœurs d’un bout à l’autre de l’Europe.