Des résultats «négatifs»
Mais comment tout cela est-il arrivé? L’Agence italienne du médicament (AIFA) avait annoncé jeudi dernier la suspension par mesure de précaution de deux lots de ce vaccin, produits dans une usine située à Sienne, en Toscane, après le décès de trois personnes âgées dans les 24 heures ayant suivi une injection. Mais voilà, depuis, les lots concernés sont montés à huit et les décès s’élèvent à près de 20, a donc annoncé l’AIFA lundi dans un communiqué.
Ils concernent aussi des personnes âgées qui venaient de se faire vacciner, dans sept régions différentes, indique le Corriere della Sera. Toutefois, «les résultats des premières analyses […] sont complètement négatifs». Ils «confirment la sécurité des vaccins antigrippe et excluent la présence d’endotoxines». «Pas de toxines dans le vaccin antigrippal Fluad, la vaccination peut continuer», en conclut le site Medscape.
Trois hypothèses
La Repubblica, citée par Le Télégramme de Morlaix, précise toutefois qu’«une enquête de l’Agence européenne du médicament a été ouverte» et que «trois hypothèses» sont avancées: «celle d’un «agent contaminant» dans la production; une rupture de la chaîne de froid; ou une réaction allergique à certains composants.» Voilà «qui risque d’apporter de l’eau au moulin des anti-vaccins», en conclut Sciences et Avenir.
Mais les «examens toxicologiques nous font pousser un soupir de soulagement: les lots examinés sont aptes à être mis sur le marché», déclare la ministre italienne de la Santé, Beatrice Lorenzin. Des analyses bactériologiques sont certes encore nécessaires, précise-t-elle. Un point demeure cependant très intéressant dans l’analyse de l’AIFA: l’augmentation des cas suspects viendrait avant tout d’une plus forte propension des acteurs sanitaires à les rapporter en raison de la médiatisation de l’affaire!
La faute aux médias?
La médiatisation? Encore un coup de pharmas prises en défaut et couvertes par les politiques? serait-on tenté de dire. De fait, l’affaire est bel est bien devenue politique. Alors que les médias, oui, «se sont largement emparés du sujet, la communication par les institutions est forcément difficile», déplore ainsi le Journal international de médecine: «Les autorités tentent d’abord de rappeler les bénéfices d’une vaccination contre la grippe et espèrent que cette affaire ne mettra pas à mal les résultats de la campagne en cours. Mais ces messages sont bien moins largement diffusés que ceux des associations de consommateurs qui déjà ont appelé à la suspension de la campagne de vaccination.
«Difficile également de faire entendre qu’il n’existe aucun lien avéré pour l’heure entre les décès recensés et l’utilisation du vaccin. S’agissant de sujets souvent âgés voire très âgés […], une coïncidence ne peut évidemment être écartée. Mais dans un contexte où […] la défiance à l’égard de la vaccination et de l’industrie pharmaceutique n’a besoin que d’une affaire comme celle-ci pour s’enflammer, cette explication n’est guère audible.»
De Rome à Bruxelles
Voilà pourquoi sans doute Luca Pani, le directeur général de l’AIFA, s’est fait vacciner lundi au cours d’une émission télévisée sur la première chaîne de télévision italienne RAI 1 avec le produit de Novartis. Voilà pourquoi, pendant ce temps, les pro-vaccination martèlent que «d’une manière générale, l’efficacité de la vaccination contre la grippe sur la réduction de la mortalité spécifique n’est plus à démontrer». D’ailleurs, les autorités sanitaires italiennes ont réitéré lundi leurs appels à la confiance, en rappelant que la grippe faisait chaque année quelque 8000 morts à travers le pays.
Et plus tôt dans la journée, les ministres de la Santé de l’UE ont également serré les rangs en faveur de la vaccination, qui suscite une méfiance croissante des Européens. Pour Beatrice Lorenzin, la ministre italienne, qui communique naturellement avec vigueur sur ce sujet suite à cette affaire, il existe un «faux sentiment de sécurité» entretenu en Europe face aux menaces sanitaires.
L’exemple d’Ebola
L’épidémie d’Ebola en Afrique, dit-elle, «devrait rappeler à chacun l’importance de la lutte contre les agents pathogènes. Nous devons inverser la tendance actuelle de scepticisme», qui risque de ramener en Europe des épidémies de poliomyélite, rubéole ou tuberculose, a également plaidé le commissaire européen à la Santé, Vytenis Andriukaitis. Bref, «n’ayez pas peur des vaccins», c’est le message lancé par l’Union européenne, selon le site Pourquoi Docteur? Et ce n’est sans doute pas la dernière fois que les anti-vaccins auront eu l’occasion d’exprimer leurs craintes.