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Donner la vie, donner la mort

On a besoin de demander son avis à personne, lorsqu’on donne la vie. C’est pourtant une charge bien plus grande que celle de donner la mort

Dans la tête d’une mère infanticide

Donner la vie, donner la mort

Le corps du petit Loan, signalé disparu par ses parents depuis mercredi dernier, a été retrouvé dimanche dans la Creuse. Ses parents sont passés aux aveux.

On a besoin de demander son avis à personne, lorsqu’on donne la vie. C’est pourtant une charge bien plus grande que celle de donner la mort. Quand la charge est trop importante, pourquoi ne pas y mettre fin? J’ai accouché d’un bébé qui n’allait pas bien. S’ils avaient su cela avant, j’aurais pu avorter, mais ils n’ont rien vu, est-ce de ma faute à moi? Ce sont eux qui devraient aller en prison. Mon mari et moi on a juste fait le sale boulot. Ben oui. Ils me regardent comme si j’étais un monstre quand je dis ça, pourtant c’est du bon sens, et tant pis pour eux s’ils ne veulent pas comprendre, avec leurs grands mots et leurs termes juridiques et leur morale à la con et l’instinct maternel et toutes ces conneries théoriques auxquelles je ne pige rien, moi je suis dans la vraie vie, avec mon mari. On est là à essayer de faire quelque chose de nos journées, y a pas de boulot, y a rien à la télé, y a que des chips à bouffer, et du vin qui me fait du bien avant de me rendre malade et Cédric qui pète les plombs de plus en plus souvent, un petit coup par ci, un petit coup par là et bam, un vrai coup dans mon dos, ma poitrine, ma gueule… Surtout depuis que le bébé était là, alors j’ai pensé que si je le laissais en finir avec le petit ça se calmerait, on serait à nouveau amoureux et on pourrait surtout dormir un peu… On est jeunes, on aurait pu en refaire un autre plus tard, une fois qu’on aurait mieux été. Ben oui, ça se refait, un enfant. Pas le même mais bon, tant que c’est les mêmes parents… Quand on est pas capable d’assumer un enfant, et ben on l’assume pas, et c’est tout. Il est mieux mort que placé, mon bébé. Si nous on a pas su s’en occuper, qui aurait su? avec son cœur malade et ses cris et ses soins, qui?! Alors on l’a laissé repartir. Moi j’avais déjà assez à faire avec Cédric et ses violences, d’ailleurs, je suis sûre que dans mon inconscient, j’ai préféré le protéger de Cédric, le bébé. Il vaut mieux un gros coup et c’est fini-terminé que plein de claques quotidiennes qui tuent à petit feu. Non? C’est quand même pas juste de devoir aller en prison parce qu’on choisit d’épargner cette vie pourrie à son enfant. C’était mon enfant, pas le vôtre. C’est aux parents de décider. Je crois qu’on ne peut même pas picoler, en prison. Et puis qu’est-ce que je vais devenir, sans Cédric. Il est méchant mon mari, mais j’ai l’habitude. Et depuis quelques jours, depuis qu’on a enterré Loan, ça allait un peu mieux. On était unis dans l’adversité, comme on dit. On faisait le deuil de notre enfant ensemble, il me prenait dans ses bras, il me disait qu’on en referait un autre quand il aurait trouvé du travail. On tâchait de penser à Loan quand il dormait, à sa petite tête de loutre et ses petits poings serrés… Pour avoir un beau souvenir de lui. Il était craquant, mon bébé, quand il dormait.

C’est quand même pas juste de devoir aller en prison parce qu’on choisit d’épargner cette vie pourrie à son enfant