Ce mercredi matin, La Matinale de la RTS donnait la parole à un sociologue au sujet des récentes décisions de la ville de Lausanne pour lutter contre le deal de rue. Edifiant! Tous ceux qui ne sont pas encore persuadés que nous sommes, en cette matière, devenus insensés doivent écouter absolument ce membre de la Commission fédérale pour les questions liées aux drogues. Autant les propos de Frank Zobel d’Addiction suisse et de Pierre Esseiva, professeur à l’Unil, interrogés par Le Temps ce lundi, étaient remarquables de pondération, autant ceux de Sandro Cattacin, directeur de l’Institut de recherche sociologique à l’Unige, donnaient matière à réagir.

A l’avoir bien écouté, on peut résumer son discours à ceci: le deal de rue ne fait de mal à personne, il est donc inutile de renforcer la présence policière. Les réactions de la population sont le signe de son racisme «anti-Blacks» et de sa peur erronée de la drogue et des dealers. Et c’est la faute des politiciens «qui essaient de transformer une situation de mal-être en populisme» si tout ce petit monde ne vit pas ensemble dans la joie et l’allégresse!

Pourquoi les gens ont-ils peur des dealers?

Vous croyez que j’exagère, alors citons notre expert. «C’est impressionnant de mettre de l’argent public dans vingt policiers qui ne font rien d’autre que calmer la population, ce qui n’a pas d’effet direct sur la consommation ni sur le trafic de drogue.» Faut-il lui répondre que, dans notre Etat de droit, la police est censée empêcher les actes illicites, au moins sur la voie publique? C’est d’ailleurs ce que la population demande: que le deal ne se pratique pas impunément, au vu et au su de tous, quand ce n’est pas à proximité des écoles. Ce que les gens exigent, ce n’est pas plus de sécurité, c’est le respect de la loi, celle-là même qui leur est appliquée à eux lorsqu’ils se comportent mal, et qu’ils acceptent bon gré mal gré.

Pourquoi les gens ont-ils peur des dealers ou sont-ils dérangés par eux? C’est «parce qu’ils projettent la peur du Black, c’est du racisme, et aussi la peur de la drogue. Ces peurs sont issues d’une campagne, d’une manière de parler, d’une image qu’on voit dans la presse. Il y a toujours le Noir, et il y a toujours la drogue…» Mais comment en serait-il autrement puisque le marché est entièrement aux mains des Africains? Il est révoltant d’accuser ainsi la population et la presse de fabriquer un problème qui n’existerait pas, l’une par angoisse raciste et l’autre par exagération vendeuse. Alors que les dealers, eux, ne font rien de mal. Ils sont même utiles pour empêcher l’insécurité, les braves!

Explications à l’emporte-pièce

Et en plus, ils veillent à la qualité du produit. C’est pourquoi, explique Sandro Cattacin, la répression aura des effets contre-productifs. En rendant le deal plus difficile à réaliser, le taux de THC augmentera car le vendeur voudra augmenter ses marges avec un produit devenu moins facile à écouler par la faute de la police. Et simultanément, la qualité du cannabis diminuera considérablement parce que les acheteurs ne pourront plus bénéficier d’une relation de confiance avec un dealer stable et facile à retrouver, fidèle au poste, au coin de la rue. On croirait entendre parler d’une activité économique normale et non pas d’un délit répréhensible.

Alors, que faire? Rien du tout, parce que, dans une ville, «on doit vivre ensemble avec les choses qui sont légales et illégales, qui dérangent ou qui ne dérangent pas mais qu’on ne peut pas réprimer. Cohabiter signifie des approches de type communautaire et non pas de type répressif. Il ne faut pas plus de répression, il faut plus de vivre ensemble.» En tant qu’automobiliste, je reconnais qu’une telle façon de voir les choses m’arrangerait bien: je parquerais n’importe où, pour le temps qui me siérait, et je ne serais pas amendée. Quelle chance!

Un tel tissu d’explications à l’emporte-pièce, de critiques inconsidérées du monde politico-médiatique accompagnées du mépris d’une population forcément irrationnelle et xénophobe, témoigne malheureusement d’une sociologie qui relève plus de l’idéologie que de la science.

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