8 mars 2020, un nouveau paradigme est à l’œuvre
EDITORIAL. Si les retours de bâton sont nombreux et portent des coups aux batailles pour l’égalité, dans la culture, dans les mentalités, dans les discours et dans les actes quelque chose de fondamental est en train de changer

A l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, «Le Temps» propose un cycle d’articles pendant trois jours.
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Il y a deux ans, cet éditorial s’intitulait «Un 8 mars pas comme les autres». Pour la première fois depuis longtemps, la parole circulait librement entre femmes, et des femmes vers les hommes. Harvey Weinstein venait d’être stoppé net dans ses campagnes de conquêtes féminines et des femmes avaient défilé dans tout le monde occidental, pour dire, entre autres à Donald Trump, qu’on ne les attraperait plus si facilement ni si impunément que ça entre les jambes.
L’an passé, dans un élan optimiste et impatient, ce même éditorial proposait – trop audacieusement sans doute – de supprimer carrément le 8 mars, afin de tourner définitivement la page des inégalités et de sauter à pieds joints dans un nouveau monde.
Tout commence à changer
En ce 8 mars 2020, cet éditorial adopte un ton plus apaisé. Car, plus de deux ans après le mouvement #MeToo, neuf mois après l’immense succès de la grève des femmes du 14 juin, un nouveau paradigme s’installe. Le jugement de Harvey Weinstein, les mots de Vanessa Springora et d’Adèle Haenel et même l’affaire Polanski montrent que, malgré les revers, tout a commencé à changer, que le vieux système où des hommes prétendaient régner sans heurts sur la gent féminine est à bout de souffle.
Partout, des individus, des sociétés prennent acte des souffrances, des injustices et des obstacles engendrés par les inégalités. Il ne s’agit pas de jeter le vieux monde à la poubelle et de persécuter ses représentants, mais de se parler franchement et de regarder ensemble vers l’avant; il s’agit de dessiner les contours d’une société neuve où les inégalités apparaissent pour ce qu’elles sont: un frein à la créativité, une amputation des forces vives, un renoncement à la diversité, aux richesses que chacun et chacune peuvent apporter.
Des fossés
Cette année, Le Temps fête le 8 mars, sans faire l’impasse sur les fossés, hélas, encore profonds à combler, mais en tentant de partager des expériences, d’ouvrir des pistes, de raconter des histoires pleines d’énergie et qui dépeignent ce nouveau paradigme. Ce sont des crèches où les enfants ne sont ni en rose ni en bleu, une femme puissante qui se bat pour ses sœurs à l’échelle du monde, une militante qui proteste au Liban, une magistrate que le réel pousse à s’engager, un homme qui a choisi d’être femme, un cinéma qui se réinvente et des icônes pop forcément féministes. D’un bout à l’autre de ce numéro, rendez-vous avec les femmes et les hommes qui, malgré les retours de bâton, travaillent à l’éclosion de ce nouveau paradigme.