Aimons les riches et les entrepreneurs, car ils financent notre qualité de vie
ÉDITORIAL. Taxer la totalité des dividendes des actionnaires? Les Genevois votent le 12 mars prochain sur l’initiative d’Ensemble à gauche. Mieux vaut ne pas se tromper de calcul

Les questions fiscales paraissent compliquées. En réalité, elles sont simples. Les impôts financent les prestations de l’Etat, selon les décisions des élus, sous contrôle démocratique. Pour taxer et redistribuer, il faut d’abord que la richesse soit créée. Jusque-là, tout le monde est d’accord. Faut-il imposer plus les «gros actionnaires» et «supprimer leurs privilèges fiscaux», comme le propose Ensemble à gauche dans son initiative 179? Les Genevois voteront le 12 mars sur cet objet hautement polémique. D’autres votations fiscales suivront en 2023 et transforment le débat en question existentielle pour le canton.
Deux catégories de contribuables sont visées par cette proposition: les personnes très riches et les entrepreneurs, tous actionnaires. Les premiers sont peu nombreux, mais financent une épaisse tranche d’impôts. Les entrepreneurs, propriétaires de leurs entreprises, sont de plus petits poissons, mais vu leur nombre, tout aussi importants. L’enjeu repose sur une question à laquelle personne ne peut prétendre répondre: certains de ces contribuables quitteront-ils le canton si l’initiative est acceptée?
Ce n’est pas la première fois que la menace est brandie par la droite. Il faut reconnaître qu’à ce jour, l’hémorragie n’a pas eu lieu. La concurrence d’autres lieux est toujours plus vive. Zurich (à deux pas de Zoug) offre la même qualité de vie que Genève, plus d’emplois très qualifiés, et l’avantage d’être mieux connecté sur le plan aérien, par exemple à l’Asie. Le canton de Vaud, dont la frontière se trouve à dix minutes en train de la gare de Cornavin, propose résidences et écoles haut de gamme, certaines charges fiscales en moins.
Outre les calculs que chacun serait amené à faire en cas de oui le 12 mars s’ajoute un élément tout aussi important aujourd’hui: le facteur émotionnel. Depuis que la majorité du Conseil d’Etat est passée à gauche, les entrepreneurs expriment de plus en plus ouvertement leur ras-le-bol. Ceux qui créent richesse et emplois se sentent convoités pour leurs bénéfices et dividendes, mais pas écoutés par les autorités, mal compris, voire méprisés. Les pauvres? Il suffirait du départ d’un très grand contribuable, une société active dans le négoce de matières premières et ses actionnaires, par exemple, pour que l’effet positif de cette nouvelle imposition soit anéanti: le montant de la perte fiscale dépasserait le gain supposé. Que l’on aime les riches et les entrepreneurs ou pas, on ne peut que faire ce constat: le pari est beaucoup trop risqué pour être pris. Les premiers perdants seraient précisément les 34% de Genevois qui ne paient pas d’impôts.
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